Médecine digitale : un vœu de pérennisation pour 2024 (Dr. G.Briganti)

L'année 2023 a marqué un tournant décisif pour les hôpitaux, qui ont embrassé une vague d'innovation sans précédent. Portés par l'élan du progrès technologique, ils ont exploré une multitude d'applications digitales, révolutionnant ainsi plusieurs horizons des soins médicaux. Parmi les secteurs les plus transformés figurent la radiologie, la biologie clinique, et le monitoring à distance — tous en pleine effervescence de développement et d'intégration de solutions numériques.

Cette révolution s'ancre dans trois sources principales d'innovation :

  1. L'hôpital acheteur: Cette catégorie d'hôpitaux, activement à la recherche de nouvelles technologies, s'engage financièrement, parfois au prix de sacrifices budgétaires considérables, pour acquérir des solutions digitales prometteuses.

  2. L'hôpital partenaire: Une synergie s'est développée entre les hôpitaux et le puissant secteur pharmaceutique en Belgique. Dans un élan de renouvellement d'image, les firmes pharmaceutiques injectent des capitaux conséquents dans des projets pilotes. Le choix des projets reflète souvent les domaines de développement stratégique des firmes. Ainsi, un hôpital désireux de s'engager dans l'innovation trouve un partenaire pharmaceutique dont les intérêts alignés garantissent une collaboration mutuellement bénéfique. La Coalition Next Belgium illustre parfaitement cette dynamique productive.

  3. L'hôpital développeur: Certains hôpitaux, souvent d'envergure académique, bénéficient de fonds spécifiques pour développer des solutions innovantes. Ces fonds sont généralement obtenus grâce à la collaboration avec des institutions universitaires.

Cependant, un nouveau défi émerge : la "pilot-ite". Ce phénomène décrit une difficulté croissante pour les hôpitaux à transcender le stade expérimental des projets pilotes en médecine digitale. Après plusieurs tentatives infructueuses, certains abandonnent leur quête d'innovation, bloquant ainsi l'émergence de nouveaux projets.

La raison sous-jacente est un manque de cadre structuré pour soutenir, sur le long terme, les efforts innovants des hôpitaux. Qu'il s'agisse de louer des solutions innovantes, de former des partenariats public-privé ou de sécuriser des financements pour des projets spécifiques, il n'existe pas de stratégie durable pour pérenniser les avancées obtenues.

L'adoption de technologies digitales en médecine par les hôpitaux, si elle est riche de promesses, soulève néanmoins d'importants défis. Pour l'hôpital acheteur, l'urgence réside dans la création d'un business plan viable. Les questions économiques prennent le devant de la scène : comment une solution bénéfique pour le patient peut-elle également générer de la valeur économique ? Y a-t-il un retour financier justifiable de l'adoption de cette solution ? La complexité s'intensifie du fait que peu de modèles économiques existants s'appliquent facilement à la médecine digitale, laissant les directions hospitalières en quête de clarté.

Dans le cas de l'hôpital partenaire, le partenariat avec l'industrie pharmaceutique peut parfois placer l'institution dans une position de dépendance. Si l'industrie apporte l'expertise et les ressources nécessaires à la réussite du projet, qu'advient-il après la phase de pilotage ? Comment justifier auprès d'un patient l'interruption d'une technologie qui a amélioré sa qualité de vie ? Bien que les hôpitaux aient la possibilité de solliciter le remboursement d'applications digitales, la procédure reste complexe et l'accès durable à ces technologies est encore lointain.

Ces différences de vision entre partenaires soulignent un besoin criant : la durabilisation de l'accès aux technologies digitales. Sans elle, la médecine digitale ne peut s'ancrer dans le réel, et les hôpitaux, confrontés à un essoufflement risquent de voir l'innovation se transformer en un vestige du passé.

Pour 2024, l'espoir se porte sur le système de santé belge pour soutenir l'élan innovant des hôpitaux. Tous les ingrédients pour réussir sont présents : des institutions hospitalières motivées, une industrie pharmaceutique disposée à investir, et une technologie prometteuse. Ce qu'il nous faut désormais, c'est un cadre permettant de concilier les visions à court terme de l'industrie pharmaceutique avec les besoins à long terme des hôpitaux, assurant ainsi une intégration durable de l'innovation digitale au cœur du système de santé.

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Derniers commentaires

  • Sora MITRAN

    10 janvier 2024

    Trop de numérisation, tue la médecine! Et le patient!On a inventé la monnaie virtuelle, qui ne va pas exister, car elle n'est pa vouée à l'existence, maintenant on invente le médecin virtuel! Inexistant!

  • Marc TOMAS

    04 janvier 2024

    Merci pour cette belle synthèse d'un partenariat intéressant. Cependant, la pérennisation ne peut être imputée au pharma dont les objectifs évoluent rapidement au fil du lancement de nouvelles solutions thérapeutiques. Depuis 3 ans j'accompagne une start-up en France; nous développons ce tels partenariats mais surtout parce que le pouvoir politique français a bien compris le rôle financier qu'il a à jouer. Des solutions de financement intermédiaires existent comme le programme Etapes, les articles 51 qui sont des passerelles vers la généralisation de l'accès aux innovations technologiques. Au plaisir de partager mon expérience avec vous.