Chirurgie robotique: «la principale variable reste le chirurgien» (Alex Mottrie)

Le Pr Alex Mottrie, fondateur de l’école de chirurgie robotique multidisciplinaire ORSI Academy, fait le point sur le passé et sur les perspectives futures du secteur à l’occasion du 20e anniversaire du centre et de la toute première « Robotic Week » organisée à l’hôpital OLV d'Alost du 5 au 15 décembre.

« ORSI Academy est aujourd’hui devenu un centre de référence pour la chirurgie robotisque dans le domaine de l’urologie et, par extension, dans une série d’autres. Je dis toujours que la médecine va évoluer davantage dans les dix années à venir qu’elle ne l’a fait au cours du siècle dernier », affirme Alex Mottrie. Il fait volontiers le parallèle avec le secteur de l’automobile, qui est lui aussi de plus en plus robotisé et informatisé, au point que certains prototypes sont déjà en mesure de se déplacer de manière indépendante. « La médecine évolue dans le même sens : tout est de plus en plus robotisé, parce que cela nous permet de travailler d’une manière plus sûre et plus efficace. »

« Lorsque Solidaris estime dans une récente étude que l’ablation robotisée de la prostate est une intervention coûteuse et pas forcément toujours meilleure, ma première réaction est de me demander si la mutualité socialiste possède bien les informations et le savoir-faire nécessaires pour analyser la question. Dans quelle mesure ses données sont-elles objectives ? Il faut pouvoir faire suffisamment abstraction de la matière concrète. Le rapport parle principalement de la continence, mais fait largement l’impasse sur d’autres aspects. Je trouve assez déplorable de présenter les choses de cette manière. »

« Solidaris parle d’une économie potentielle de quelques millions d’euros, alors qu’elle pourrait peut-être plus utilement se pencher sur la question du tiers-payant, dont le coût est supérieur – ou à tout le moins du même ordre – à celui des honoraires de tous les généralistes réunis.

La chirurgie robotique est un domaine qui ne peut que continuer à se développer et qui, au-delà de l’urologie, gagne actuellement du terrain en gynécologie. Il existe aussi des robots spécifiques dans le domaine de l’orthopédie et il est même possible d’utiliser cette technique pour réaliser des interventions cardiologiques. L’hôpital OLV Aalst a même réalisé en première mondiale une dénervation rénale robot-assistée à l’aide d’un système robotisé Corindus. Plusieurs brevets déterminants sur des robots chirurgicaux ont aujourd’hui expiré, mettant fin à des monopoles qui, comme chacun sait, ne sont jamais une bonne chose. À ma connaissance, quelque 380 entreprises travaillent actuellement sur des systèmes médicaux robotisés, dont une cinquantaine rien que dans le domaine de la chirurgie – un nombre colossal ! Le Cambridge Medical Robot commercialisé tout récemment, par exemple, connaît aujourd’hui un véritable boom. »

« Comme pour la voiture autonome que Google nous annonce depuis si longtemps, il convient de formuler pour ces dispositifs robotisés un certain nombre de réserves, en ce sens qu’il y a aussi des obstacles juridiques colossaux à surmonter. Mais prenez l’aéronautique, par exemple : tout a aujourd’hui évolué vers un pilotage automatique et, si l’atterrissage est un peu rude, il est plus que probable que c’est le pilote qui a dû prendre le relais. »

« On n’arrêtera donc plus l’automatisation, mais les robots doivent évidemment toujours travailler sous supervision humaine. Le système automatique des avions est toujours surveillé par deux pilotes en chair et en os. »

« Dans le domaine de la médecine, nous observons beaucoup moins de dommages collatéraux avec les opérations robotisées. Dans ce genre d’intervention, la variable déterminante n’est pas le bistouri, le robot ou le laser, mais le chirurgien qui est aux commandes. »

« Comme on dit en anglais, a fool with a tool is still a fool. Il est donc indispensable que nos collègues soient correctement formés avant de pouvoir se lancer avec un robot, mais aussi qu’ils continuent à réaliser suffisamment d’interventions pour entretenir leur expérience. Et pour revenir sur le rapport de Solidaris, objectivement, il est vrai qu’une centralisation de ce coûteux appareillage s’impose. C’est pour cela que nous avons élaboré à l’Orsi Academy une nouvelle méthodologie d’entraînement, où le chirurgien est formé exclusivement dans un environnement sécurisé jusqu’au stade où il est capable de travailler de manière indépendante. Cette approche nous a permis d’obtenir un recul des complications de l’ordre de 50 %. »

« Quoi qu’il en soit, les robots médicaux complètement autonomes ne sont pas encore pour demain ni même pour après-demain. Dans un avenir immédiat, les innovations les plus importantes toucheront plutôt aux logiciels qu’au matériel. L’ajout d’applis à ces robots nous permettra d’accroître encore la qualité de nos prestations. »

> OLV Robotic Week 

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