L’intelligence artificielle poursuit son intégration progressive dans les pratiques médicales, et Stanford Medicine en propose une nouvelle illustration avec le lancement de ChatEHR, un outil conversationnel destiné aux professionnels de santé.
Conçu comme une interface dialogique entre le clinicien et le dossier médical électronique, ce système permet désormais de questionner les antécédents médicaux d’un patient avec une fluidité inédite, imitant le fonctionnement des grands modèles de langage comme GPT-4, mais intégré au cœur même des systèmes de santé.
Réduire la charge cognitive du personnel soignant
Développé par une équipe dirigée par le professeur Nigam Shah, médecin et chercheur en sciences des données, en collaboration avec les départements de santé numérique de Stanford, ChatEHR repose sur une architecture d’intelligence artificielle sécurisée, connectée en temps réel aux données médicales. L’objectif est clair : alléger la charge cognitive et administrative pesant sur les professionnels de santé en leur permettant d’accéder rapidement, par simple requête textuelle, à des informations souvent disséminées dans des centaines de pages de dossier patient.
Interroger le dossier médical comme on parle
Concrètement, un médecin urgentiste pourra demander : « Ce patient a-t-il des antécédents allergiques ? A-t-il déjà passé une coloscopie ? Quels sont les derniers résultats de sa lipidémie ? » ChatEHR parcourt alors l’historique du patient et génère une réponse synthétique contextualisée, sans pour autant se substituer au jugement médical. Il ne s’agit donc pas d’un outil de décision automatisée, mais bien d’un assistant documentaire capable d’accélérer l’accès aux éléments cliniquement pertinents.
Une phase pilote aux retours prometteurs
En phase pilote depuis plusieurs mois, le dispositif est actuellement testé par un panel de trente-trois praticiens – médecins, infirmiers, infirmiers praticiens et assistants médicaux – qui évaluent sa pertinence, affinent ses performances et contribuent à son ajustement continu. Le retour d’expérience s’avère prometteur, notamment dans des situations à forte densité d’informations, comme les admissions aux urgences ou les transferts inter-hospitaliers avec volumineux dossiers papier.
Une utilité maximale dans les situations complexes
Le professeur Jonathan Chen, clinicien-chercheur à Stanford, souligne que l’utilité de ChatEHR se révèle pleinement dans ces contextes : « Lorsqu’un patient arrive en crise, ce n’est pas seulement le symptôme actuel qui compte, mais toute la trajectoire clinique antérieure. Or, cette information est souvent inaccessible dans les délais impartis. ChatEHR permet de restituer rapidement une vision structurée de cette trajectoire. »
Vers une automatisation partielle du tri médical
Au-delà de l’interrogation directe, l’équipe de développement a également conçu des automatismes de tri et d’évaluation. L’un d’eux, par exemple, analyse si un patient peut être orienté vers une unité de soins moins intensive, libérant ainsi de la capacité à l’hôpital principal. D’autres sont en cours de développement, notamment pour identifier les critères d’admission en soins palliatifs ou pour accompagner le suivi post-opératoire.
Une évaluation rigoureuse et une extension à venir
L’évaluation de ChatEHR s’appuie sur MedHELM, un cadre open source spécifiquement conçu pour évaluer les modèles d’IA en contexte médical réel. Les prochaines étapes comprennent l’extension progressive de l’outil à l’ensemble des cliniciens de Stanford, accompagnée de dispositifs de formation, de support technique et d’indicateurs qualité intégrés, notamment des systèmes de citation des sources permettant de retracer l’origine des réponses.
Le projet est soutenu par le Centre de recherche en informatique biomédicale de Stanford et son Département de médecine, et s’inscrit dans une logique d’intégration éthique et rigoureuse des technologies d’IA dans la pratique clinique. Il montre comment les systèmes de santé peuvent, à condition de penser l’ergonomie et la pertinence contextuelle, tirer parti des modèles génératifs pour transformer le quotidien médical, non en remplaçant les praticiens, mais en leur offrant des outils d’accès à la connaissance plus efficients.