Une équipe de recherche dirigée par la Harvard Medical School a mis au point un outil d’intelligence artificielle capable de distinguer en temps réel, et avec une précision proche de 100 %, deux tumeurs cérébrales souvent confondues : le glioblastome et le lymphome primitif du système nerveux central (PCNSL). Les résultats ont été publiés dans Nature Communications .
Le système, baptisé PICTURE (Pathology Image Characterization Tool with Uncertainty-aware Rapid Evaluations), analyse les images de coupes congelées réalisées pendant une intervention chirurgicale. Il permet de guider immédiatement les décisions thérapeutiques : retirer ou non le tissu tumoral, selon qu’il s’agit d’un glioblastome — la tumeur cérébrale la plus fréquente et la plus agressive — ou d’un lymphome, qui relève au contraire d’une prise en charge par radiothérapie et chimiothérapie.
« Notre modèle peut réduire les erreurs diagnostiques en différenciant des tumeurs présentant des caractéristiques très proches et aider les cliniciens à choisir le traitement le plus adapté », explique le Dr Kun-Hsing Yu, professeur associé en informatique biomédicale à la Harvard Medical School et pathologiste au Brigham and Women’s Hospital.
Un diagnostic intraopératoire plus sûr
Lors d’une chirurgie cérébrale, l’évaluation rapide des tissus congelés reste une étape essentielle mais sujette à erreur : selon le Dr Yu, le diagnostic initial est corrigé dans près d’un cas sur vingt après analyse définitive. L’IA PICTURE, testée dans cinq hôpitaux répartis dans quatre pays, sur plus de 2 100 lames pathologiques, a surpassé à la fois les pathologistes humains et les autres modèles d’IA existants.
L’outil intègre une particularité inédite : un détecteur d’incertitude, capable d’indiquer lorsqu’il ne se sent pas sûr de son analyse, évitant ainsi de classer à tort certaines tumeurs dans une catégorie erronée. Cette prudence algorithmique est cruciale dans un domaine où plus de cent sous-types de tumeurs cérébrales sont recensés par l’Organisation mondiale de la santé.
Une aide à la décision et à la formation
Dans les tests menés, PICTURE a distingué correctement les glioblastomes des PCNSL dans plus de 98 % des cas, y compris pour des échantillons issus de patients externes au jeu d’entraînement du modèle. Il a également identifié des tumeurs appartenant à 67 autres types de cancers du système nerveux central.
Pour les chercheurs, l’outil pourrait servir à la fois de soutien diagnostique dans les blocs opératoires et de plateforme pédagogique pour les jeunes pathologistes. Son déploiement permettrait aussi de compenser la pénurie d’experts en neuropathologie, discipline hautement spécialisée et inégalement répartie dans le monde.
Le modèle reste à être validé sur des populations plus diversifiées, la majorité des échantillons analysés provenant de patients blancs. Les auteurs prévoient d’élargir son champ d’application à d’autres tumeurs cérébrales, en y intégrant des données génétiques et moléculaires pour affiner la classification.