Le deuxième baromètre de l' IA en médecine générale de l’UMons, réalisé avec Medi-Sphère, confirme l’intérêt croissant des généralistes pour l’intelligence artificielle. Durant la plénière consacrée au sujet lors du Congrès de médecine générale, la salle s’est plongée dans les enjeux pratiques de l’encodage, la structuration et l’exploitation des données et dans l’usage très concret des nouveaux “scribes IA” qui transforment déjà la consultation.
En présentant le baromètre, la Dre Allison Gilbert, urgentiste (CHU de Liège) et chercheuse postdoctorale pour la Chaire IA et santé digitale (UMons), a surtout rappelé les fondamentaux : l’efficacité de tout modèle d’intelligence artificielle dépend de la qualité des données qui l’alimentent. « Garbage in, garbage out » : si l’encodage est incomplet, non structuré ou biaisé, les outils d’aide à la décision reproduiront ces défauts.
Une donnée a particulièrement retenu l’attention : près de 60 % des médecins généralistes déclarent utiliser ChatGPT, avant même des outils conçus pour la première ligne. Allison Gilbert rappelle un point essentiel : « ChatGPT n’a pas été mis en production pour la santé, n’est pas validé pour la santé. Cet usage fait donc question. » Elle insiste en outre sur la nécessité d’un usage maîtrisé de la technologie, en soulignant que le contrôle humain reste central dans tout outil d’IA en médecine : « Ce contrôle humain veut dire que c’est nous qui prenons la dernière décision. »
La donnée, cœur du problème
L’intervention suivante, celle du Dr Martin Chapelle, assistant en médecine générale (deuxième année) et anciennement data analyst, a recentré le débat sur le terrain. Sa démonstration, très concrète, a montré comment une maison médicale peut, avec un simple module d’extraction de données intégré à un logiciel métier, structurer son encodage, suivre des cohortes, piloter des campagnes vaccinales ou repérer les patients fragiles.
La discussion a rapidement pris une dimension très pratico-pratique. Martin Chapelle a insisté sur la discipline d’encodage et conseille de limiter le texte libre, d’utiliser les listes structurées, de vérifier les champs clés (comme le statut tabagique). « L’encodage est essentiel pour la continuité des soins », rappelle-t-il. « C’est vraiment important de bien encoder les dossiers pour ne pas se retrouver avec un patient perdu dans la chaîne. »
Parmi les questions posées, un thème est revenu régulièrement : comment structurer correctement un dossier pour permettre aux outils d’IA de fonctionner ? Plusieurs MG ont pointé les limites des logiciels actuels, l’impossibilité d’extraire certains champs ou la nécessité de vérifier manuellement des éléments pourtant essentiels, comme le statut tabagique. « Le vrai problème pour exploiter les données, ce n’est pas l’IA… c’est l’accès aux données. Les données sont encore stockées en local chez les fournisseurs métiers », tranche Martin Chapelle.
Un intérêt pour les scribes IA
L’arrivée des scribes IA a ensuite animé la salle. Martin Chapelle a montré comment son logiciel métier transcrit et segmente automatiquement la consultation, en structurant les éléments du dossier. Avantages cités : gain de temps, meilleure présence clinique, dossiers mieux encodés. Mais aussi des alertes : erreurs à reprendre, surcharge de texte, nécessité de relire systématiquement, risque de dépendance excessive à l’outil.
La démonstration du scribe IA a déclenché une salve de questions très concrètes sur la confidentialité et le traitement de l’audio. Un médecin a voulu savoir s’il existait une trace enregistrée de la consultation : « Est-ce que c’est enregistré vraiment ou simplement interprété en direct ? » Un représentant de Corilus a répondu immédiatement, pour rassurer la salle : « Il n’y a rien qui est enregistré. Les données sont en local dans votre PC. Dès que la consultation est générée, c’est supprimé. »
La question d’un usage hors du cabinet est également venue : « Est-ce que vous avez l’expérience de l’utiliser à domicile ? » Martin Chapelle a reconnu ne pas encore pouvoir le tester dans ce contexte.
Ces questions montrent que, pour une part croissante des MG, l’enjeu n’est plus de débattre de l’IA, mais de comprendre comment l’intégrer, pas à pas, dans la pratique quotidienne.
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