Violences intrafamiliales : l’AMR, un outil de prévention méconnu

©ASTRID - Marco Mertens

Seules 210 victimes disposent en Belgique d’une alarme mobile antirapprochement (AMR), un dispositif fédéral qui peut sauver des vies. Les médecins généralistes, souvent premiers témoins de la violence, ont un rôle essentiel dans l’orientation et la prévention.

Les violences intrafamiliales constituent un problème majeur de santé publique. Une étude de l’Université de Gand (1), publiée en 2023, sur les besoins de soutien des médecins généralistes dans la gestion des violences sexuelles et domestiques en première ligne, révèle que « pendant la pandémie de covid-19, au moins un Belge sur trois a été confronté à des violences domestiques. Néanmoins, seuls 27 % des victimes ont cherché un soutien professionnel, souvent auprès de leur médecin généraliste ». Et l’étude d’ajouter : « Les généralistes étant des acteurs essentiels des soins de première ligne, il est crucial de les impliquer dans la prise en charge des victimes de violences sexuelles et domestiques. »

Les conséquences sont effectivement importantes : troubles anxieux et dépressifs, blessures chroniques, addictions, isolement, déscolarisation des enfants. Pour les médecins généralistes, ces situations pèsent lourdement sur la continuité des soins et la relation thérapeutique.

L’AMR peut aider. Elle permet d’assurer une protection des victimes de harcèlement ou de violences intrafamiliales grâce à une alarme discrète reliée à l’application 112. En cas de danger, la victime appuie sur le dispositif : une alerte prioritaire est automatiquement envoyée au 112, permettant aux services d’intervention de la géolocaliser immédiatement et de dépêcher une patrouille sans délai.

Elle s’inscrit dans une logique de prévention et de santé communautaire, et permet d’éviter l’escalade de la violence. Mais son efficacité dépend de sa visibilité.

Faire connaître l’outil
C’est là que le bât blesse : l’alarme existe depuis 2019 et, pourtant, seules 210 personnes en bénéficient aujourd’hui (soit un total de 460 depuis la mise en œuvre), selon le ministre fédéral de l’Égalité des chances, Rob Beenders (Vooruit).

Lors de la dernière commission Santé, plusieurs députées ont insisté sur la portée encore trop limitée du dispositif. « L’AMR reste largement sous-utilisée au regard de la fréquence alarmante des faits de harcèlement et de violences conjugales », regrette Caroline Désir (PS), citant les 9 femmes déjà tuées par leur partenaire ou ex-partenaire depuis le début de l’année.

Le ministre Rob Beenders le reconnaît : la diffusion de l’AMR doit désormais dépasser les parquets et les zones de police. Le prochain Plan national de lutte contre les violences de genre prévoit d’en renforcer la promotion auprès des professions de contact comme les généralistes.

Un enjeu médico-légal et déontologique
La question du signalement reste l’un des aspects les plus sensibles pour les généralistes. Comment agir lorsqu’un danger grave est suspecté, sans trahir la confiance du patient ? « Le dispositif d’alarme mobile est utilisé à titre préventif afin de protéger rapidement une victime sur la base d’un signalement alarmant, sans que le suspect en soit informé et indépendamment d’une procédure pénale », indique Rob Beenders.

En pratique, l’octroi de l’AMR se fait par l’intermédiaire de la zone de police locale, après une évaluation du risque menée conjointement par la police et le parquet, ce dernier prenant la décision finale.

Des informations détaillées sont disponibles sur le site de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) : igvm-iefh.belgium.be/fr/themes/violences/violences-entre-ex-partenaires/amr.

Les patientes peuvent également contacter le service Écoute Violences Conjugales via www.ecouteviolencesconjugales.be ou par téléphone au 0800 30 030, une ligne anonyme et gratuite accessible 24 h/24.

  • (1) Keygnaert, Ines, et al. “The Role of Working Experience, Knowledge and Attitude Concerning Sexual and Domestic Violence in the Screening Habits and Barriers of Belgian General Practitioners.” 28th WONCA Europe Conference, Abstracts, 2023.

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