Téléconsultation: «Le cadre doit encore être amélioré»

Les aspects déontologiques, juridiques, éthiques, économiques… de la télémédecine été ont décortiqués ce 24 octobre lors d’un symposium Organisé par le Conseil national de l’Ordre des médecins. Le généraliste Cyril Priaud y a témoigné de son expérience de terrain.

Le recours à la médecine à distance n’est pas nouveau. Le Dr Kerzmann, membre effectif du Conseil national de l’Ordre des médecins, a rappelé que durant l’antiquité certains médecins envoyaient un messager pour récolter les informations auprès des patients afin de pouvoir poser ultérieurement leur diagnostic. Une forme de télémédecine sans technologie.

Plus fondamentalement, il a rappelé que le Conseil européen des ordres des médecins (CEOM) a déclaré lors d’une réunion plénière en 2014 que la pratique spécifique de la télémédecine ne doit pas contribuer à une déshumanisation de la relation avec le patient ; qu’aucune technologie ne peut venir remplacer la relation humaine, interpersonnelle et singulière, qui doit rester le fondement même de l’exercice de médecine et que le respect des principes déontologiques encadrant la télémédecine est la condition nécessaire pour garantir la qualité de la médecine et le respect des droits des patients au sein de l’Union européenne.

Les résultats préléminaires d’une enquête sur la télémédecine réalisée en juillet 2025 par le CEOM révèlent qu’il y un manque criant de données récentes sur l’état de la transformation numérique dans les différents pays et une absence ou une insuffisance de cadre national spécifique, de recommandations techniques contraignantes et de recommandations déontologiques spécifiques.

Et les patients?
Le Pr Deneyer, vice-président du Conseil national, a souligné qu’il faut aussi tenir compte de l’avis des patients dans l’utilisation de la télémédecine. Les patients estiment qu’il est nécessaire de clarifier le cadre et le système de remboursement de la téléconsultation, par exemple, en adaptant la rémunération en fonction de la durée, souvent courte, des consultations à distance. Il convient aussi de mettre en place des conditions de qualité et de garantir le soutien technique approprié et une information suffisante du patient.

L’Ordre a reçu des demandes pour savoir si la télémédecine peut être utilisée pour la médecine de contrôle ou pour le constat des décès. Le Pr Deneyer a insisté sur l’utilisation de critères objectifs lors des téléconsultations. Il estime que le recours à la télémédecine pour des pathologies aigues et des patients inconnus est difficile. « Bien que la télémédecine soit devenue courante depuis le Covid, le cadre doit encore être amélioré. Trop de questions fondamentales restent sans réponse, alors que cette forme de médecine est déjà fort répandue », constate le vice-président. « L’Ordre est disposé à participer à la réflexion sur un cadre où la qualité et la continuité des soins ainsi que le respect de la vie privée sont des priorités absolues. On ne peut pas retenir la mer mais les digues et les canalisations restent nécessaires. »

Le Dr Cyril Priaud, jeune généraliste bruxellois, a partagé son expérience de la télémédecine. Il a lui-même testé en France une cabine de télémédecine pour se mettre à la place d’un patient en simulant un problème de santé simple (refroidissement). Résultat de l’expérience : il est difficile pour un médecin de soigner à distance un patient qu’il ne connaît pas du tout. La consultation débouchant sur la prescription de plusieurs médicaments classiques pouvant être achetés à la pharmacie située à quelques mètres de la cabine de téléconsultation.

Une pratique en hausse
Le Dr Priaud a présenté lors du symposium quelques chiffres de l’Inami qui démontrent l’évolution de la téléconsultation. En moyenne, les généralistes belges ont réalisé 500 téléconsultations en 2024. Le nombre de téléconsultations est passé de 4,4 millions en 2022 à 5,6 millions en 2023. 85% des téléconsultations sont réalisées par les médecins généralistes. Depuis le 15 février 2025, la fin du remboursement de la phono-consultation a évidemment infléchi fortement cette tendance à la hausse.

En se basant sur une enquête réalisée en 2021 auprès de 171 confrères, le jeune généraliste a également pointé les inconvénients de la téléconsultation : absence d’examen physique (56%), risque d’erreur dans le diagnostic (42%) et perte de contact humain (19%). Quant aux avantages, le sondage met en avant le gain de temps (53%), la limite de propagation d’un virus (37%) et l’écologie (2%). Et de souligner que les deux applications les plus utilisées sont Doctoranytime et Doktr qui garantissent le cryptage de « bout en bout » de la téléconsultation et le non-enregistrement.

Par ailleurs, selon les témoignages, de nombreux médecins utilisent simplement l’application vidéo de WhatsApp pour dialoguer avec le patient. Une pratique qui pose problème pour la sécurité des données. La vidéoconsultation est préférable à la phonoconsultation parce qu’elle améliore l’empathie, favorise le langage non verbal et donne une meilleure idée de l’aspect général du patient.

Cyril Priaud a regretté le déremboursement de la phonoconsultation et indiqué que la note budgétaire 2026 prévoit de la rembourser à nouveau dans les postes de garde. « Les médecins sont, en majorité, favorables à la téléconsultation. Elle constitue un outil supplémentaire qui permet une pratique diversifiée. Le but n’est pas de remplacer la consultation en présentiel. Elle doit être complémentaire. Ses avantages sont indéniables : flexibilité, gains d’ordre économique, rapidité et facilitation de l’accès aux soins de santé. »

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