La députée Nawal Farih (cd&v) a exprimé mardi, en commission Santé de la Chambre, ses inquiétudes concernant les campagnes publicitaires menées par certaines pharmacies en ligne, notamment Farmaline. Elle a interpellé le ministre de la Santé publique, Frank Vandenbroucke (Vooruit), sur les risques d’une dérégulation du secteur et l’absence de contrôle sur les pratiques publicitaires d’acteurs établis à l’étranger.
Selon la parlementaire, qui dit avoir consulté de nombreux pharmaciens de terrain ces dernières semaines, la diffusion à une large audience – y compris en prime time à la télévision – de spots vantant la livraison rapide de médicaments à domicile soulève des questions éthiques. « Les pharmaciens sont soumis à un code de déontologie strict, tandis que de grands acteurs en ligne bénéficient d’une liberté marketing agressive pour attirer des clients », a-t-elle regretté, estimant que la pharmacie ne devrait pas devenir un simple canal de vente mais conserver son rôle de guidance thérapeutique.
Compétences limitées face à une pharmacie étrangère
Le ministre a précisé que la pharmacie en ligne Farmaline, citée à plusieurs reprises, est établie aux Pays-Bas. « L’Ordre des pharmaciens a informé l’Agence fédérale des médicaments et des produits de santé (AFMPS) qu’il avait tout tenté pour stopper cette campagne, mais sans succès », a-t-il indiqué. Juridiquement, l’entreprise ne relève pas du droit belge et semble, selon les autorités néerlandaises, respecter la législation en vigueur dans son pays d’établissement.
Frank Vandenbroucke a dénoncé l’inaction des institutions européennes en matière de contrôle transfrontalier de la vente de médicaments en ligne : « Il existe un vide réglementaire. Des entreprises choisissent de s’implanter là où les règles sont les moins strictes, ce qui entrave l’application de nos normes nationales. J’ai souvent soulevé ce problème à l’échelle européenne, notamment dans le dossier Immupure, mais la Commission européenne reste très frileuse dès qu’il s’agit de restreindre la libre circulation des biens et services. »
Encadrement partiel des publicités
Sur le volet de la réglementation, le ministre a rappelé que la publicité destinée au grand public pour les médicaments doit être notifiée au préalable à l’AFMPS. Le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché est responsable du respect des dispositions légales en matière de publicité. Cependant, la publicité pour l’activité pharmaceutique en tant que telle (par exemple celle des officines en ligne) ne relève pas de la compétence de l’AFMPS, mais bien de l’Ordre des pharmaciens.
Des garde-fous prévus mais difficiles à appliquer
Quant à la vente à distance, celle-ci doit, en principe, répondre aux mêmes exigences de guidance que la vente en pharmacie physique. « Le pharmacien doit collecter des informations de santé pertinentes, encourager la lecture de la notice, limiter le nombre de conditionnements identiques disponibles à la commande, et inciter à consulter le médecin traitant en cas de doute », a expliqué le ministre.
Il a également indiqué que des inspections anonymes en ligne, analogues aux “mystery shoppers” du SPF Santé publique, sont prévues pour renforcer les contrôles. Ces opérations permettraient de constater d’éventuelles infractions et de les sanctionner, dans la mesure où elles relèvent du droit belge.
Une sensibilisation à renforcer
En conclusion, Nawal Farih a salué les efforts du ministre, tout en exprimant ses réserves : « La littératie en santé est faible dans notre pays. Compter sur le fait que les patients lisent la notice me semble illusoire. J’espère que vos démarches à l’échelon européen porteront leurs fruits, car la digitalisation croissante du secteur risque d’aggraver encore la surconsommation et les usages inappropriés de médicaments. »