Les médecins généralistes doivent être davantage impliqués dans le développement des  services eSanté  (KCE)

Tous les services fédéraux passent progressivement à l’ère digitale, et les soins de santé  n’échappent pas à ce mouvement. Pour les médecins généralistes, le passage ne se déroule  cependant pas toujours aussi souplement que prévu – même si l’épidémie de COVID-19 a  considérablement accéléré les choses. Il a été demandé au Centre fédéral d’Expertise des Soins de  Santé (KCE) d’identifier les facteurs susceptibles de faciliter l’adoption des services eSanté par ces  acteurs centraux de nos soins de santé. 

La profession de médecin généraliste se digitalise de plus en plus afin de s’inscrire dans un paysage global  en pleine mutation. Or, même si l’idée générale est de faciliter les échanges, de simplifier les  pratiques et de réduire les charges administratives, le passage à l’ère digitale ne se passe pas  toujours aussi souplement que prévu pour de nombreux omnipraticiens. C’est la raison pour laquelle  la précédente Ministre des Affaires sociales et de la Santé Publique avait demandé au Centre fédéral  d’Expertise des Soins de Santé (KCE) de lui fournir un aperçu de l’utilisation des différents services  eSanté mis à la disposition des médecins généralistes et d’identifier les facteurs susceptibles de  faciliter (ou de freiner) leur adoption. 

Sur la base des chiffres de l’INAMI 

Pour le volet quantitatif de l’étude, les chercheurs du KCE ont utilisé les données de l’INAMI pour  comptabiliser le degré d’utilisation des services eSanté par les médecins généralistes. Ces données  correspondent aux critères à remplir pour l’obtention de la prime (annuelle) de pratique intégrée en  médecine générale. Une dizaine de paramètres ont été mesurés, comme l’utilisation des 

prescriptions électroniques (Recip-e), de la plateforme d’échange d’informations avec les mutualités  (MyCareNet, p.ex. pour l’approbation de remboursement de certains médicaments ou l’envoi direct  d’attestations de soins à la mutualité), ou de la mise en ligne de  Sumehrs .

Les données disponibles les plus récentes à ce sujet datent toutefois de 2017-2018, ce qui ne  permet pas de donner une vision actuelle de la situation. En effet, depuis le début de la crise du  COVID-19, l’utilisation des services eSanté par les médecins généralistes a reçu un vigoureux coup  d’accélérateur et ne connaîtra très probablement pas de marche arrière.  

Besoin de convivialité et d’interopérabilité  

Pour l’aspect qualitatif, le KCE a mené en parallèle une analyse de la littérature internationale sur le  sujet (puisque l’informatisation des soins de santé est à l’œuvre un peu partout dans le monde) et  des focus groups avec des médecins généralistes belges (en collaboration avec l’Interuniversity  Microelectronics Centre (imec)). Cette analyse a permis d’identifier différents facteurs déterminants pour l'adoption des services eSanté par les médecins généralistes belges.  

La facilité d'utilisation et l’interopérabilité sont des éléments essentiels. Les médecins généralistes  attendent des services eSanté qu’ils leur simplifient le travail et leur fassent gagner du temps. 

Ils  seront aussi moins susceptibles d'utiliser un service si celui-ci n'est pas compatible ou ne se connecte  pas à d'autres systèmes ou logiciels. Or - complication supplémentaire propre à notre pays – les  différentes régions utilisent chacune leurs propres systèmes. Par exemple, lorsque les médecins  généralistes reçoivent les résultats de dépistages du cancer du sein ou du côlon, réalisés à l’échelle  des régions, ils doivent les réintroduire manuellement dans les dossiers électroniques des patients,  et ce parfois en plusieurs endroits différents. L'interopérabilité entre les logiciels et les systèmes doit  donc absolument être accrue.  

Assistance technique et incitants financiers 

Le soutien technique est également un élément fondamental. Les médecins doivent pouvoir trouver  immédiatement et en toute confiance une assistance technique en cas de problèmes ou de  questions. Or jusqu’à présent, ils trouvent la communication avec les services d’assistance  informatique décevante et se plaignent d’engager régulièrement de véritables dialogues de sourds  avec ces services dont ils attendent au contraire compréhension et convivialité. 

Les incitants financiers sont également considérés comme très importants par les médecins  généralistes interrogés dans le cadre de cette étude. C’est pourquoi le KCE recommande de  maintenir l’octroi de la prime de pratique intégrée et d’y ajouter les futurs services eSanté au fur et à  mesure de leur déploiement. Toutefois, tout ajout d’un nouveau service devrait être précédé de tests  pratiques sur le terrain et d’une période de transition pendant laquelle l’utilisation se fait sur une  base volontaire.  

Sensibilisation et formation  

Il apparaît également que si les médecins ne sont pas toujours convaincus des bénéfices qu’ils  pourraient retirer de l’utilisation des services eSanté, c’est aussi parce qu’ils n’y sont pas assez  sensibilisés. Il est donc important de leur faire mieux connaître les divers avantages de ces services non seulement pour eux, mais aussi pour les patients et pour l’ensemble du système de santé. Il faut  aussi qu’ils soient bien informés sur les mesures prises en matière de sécurité de l’information et de  confidentialité des données, point sur lequel ils se sont montrés très méfiants. 

Il est par ailleurs nécessaire de prévoir, lors du déploiement de chaque nouveau service eSanté, une formation adéquate avec des formats adaptés aux groupes cibles (p. ex. en adaptant le contenu aux  formes de pratique, en solo ou en groupe). Les universités doivent renforcer la formation à  l'utilisation des services eSanté dans le cursus de base des futurs médecins, et les associations de  médecine générale doivent être activement impliquées dans la mise sur pied de sessions de formation continue.

Impliquer les médecins dans la conception des services 

À côté de ces conclusions somme toute assez prévisibles, le KCE suggère aussi d’impliquer davantage  les médecins dans le développement, les essais et l’implémentation des futurs nouveaux services,  aux côtés des autorités et des développeurs de logiciels. Une approche davantage bottom up, voire  un processus de co-création avec les développeurs leur permettrait en effet de faire bénéficier ces  derniers de leurs connaissances pratiques et d’identifier le type de services susceptibles d’apporter une valeur ajoutée à leur pratique de terrain.

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.