La médecine générale va entamer un profond remodelage grâce au numérique (Pr Koen Kas)

Dans quelques mois, la médecine générale en Belgique va entamer un profond remodelage grâce à une révolution numérique. C’est ce que prédit le Pr Koen Kas dans un entretien accordé à Medi-Sphere sur l’avenir de la médecine générale. Le citoyen prendra le contrôle de son tableau de bord médical, sous le coaching du médecin généraliste. Les applis remboursées joueront un rôle important.

Quand on lui demande comment les nouvelles technologies vont déterminer l’avenir de la médecine générale dans un futur proche, le professeur d’oncologie moléculaire à l’UGent et futurologue de la santé Koen Kas commence étonnamment par un grand retour en arrière. «Il y a plus de 2.500 ans, en Chine, on payait le médecin généraliste pour rester en bonne santé. On ne devait plus le payer dès l’instant où on tombait malade. C’est une démarche fascinante, que nous avons totalement perdue aujourd’hui, mais qui bénéficie d’un nouveau regain d’enthousiasme. Pas seulement dans ce pays, mais dans le monde entier. Et c’est ce à quoi nous travaillons aujourd’hui.»

«Le médecin généraliste a un job fantastique. Il est en contact direct avec le patient. Par ailleurs, la deuxième ligne et l’industrie pharmaceutique ne veulent pas non plus perdre le contact avec lui», poursuit Koen Kas. «Le médecin généraliste de demain va nouer de nouveaux partenariats. De nouvelles relations vont se créer entre la première et la deuxième lignes. Un patient diabétique pourra recevoir un programme prescrit par l’hôpital, mais encadré par le médecin généraliste, pour traiter son diabète non plus par des médicaments mais par une prise en charge hygiénodiététique. Le médecin généraliste peut le faire mais il a besoin de nouveaux outils numériques pour pouvoir surveiller ses patients à domicile. Pour l’industrie pharmaceutique, il est compliqué de trouver suffisamment de patients à inclure dans les études cliniques. Or, le médecin généraliste voit ces patients. Aujourd’hui, c’est fascinant, des entreprises proposent aux généralistes des outils numériques pour évaluer si leurs patients pourraient être recrutés pour une étude clinique. Les médecins disposent d’un outil d’intelligence artificielle (IA) pour recruter pour une étude clinique pour son propre bénéfice, celui du patient et celui de la société pharmaceutique. Il s’agit là d’une première grande tendance: les médecins généralistes disposeront d’outils à base d’IA pour réutiliser les données patients qu’ils ont de toute façon en leur possession.»

Selfie vidéo
«Pour ce faire, le généraliste a besoin de nouveaux instruments», continue Koen Kas. «Imaginons que le médecin généraliste veuille surveiller l’activité physique et l’alimentation de son patient. Les outils comme Fitbit, qui mesure l’activité physique et le poids via sa balance intelligente, ne datent pas d’hier. Jusqu’il y a deux ans, ils n’intéressaient pas les médecins, qui n’avaient pas le temps d’introduire les données dans le dossier médical et de les interpréter. Mais, depuis l’année dernière, les données de Fitbit peuvent être intégrées automatiquement dans un dossier médical. Idem pour certains pèse-personnes. Le médecin généraliste a soudainement accès à des données relatives au mode de vie de son patient, ce qui lui permet de le coacher. Il existe par ailleurs déjà des outils capables de déterminer, aux mouvements de mon poignet, si je bois une bière, un soda, un café ou un verre d’eau. Medtronic va proposer ce service aux patients diabétiques dès l’année prochaine. Il pourra ainsi suggérer de remplacer un soda par un verre d’eau. Autre exemple. Pendant une téléconsultation, Zoom peut demander à l’utilisateur de prendre un selfie vidéo, pour mesurer la circulation sanguine dans son visage. La viscosité du sang, qui affecter la circulation sanguine et la couleur du visage, permet de détecter un prédiabète. Le médecin généraliste pourra ainsi réagir et proposer un programme de coaching au patient, pour ­éviter qu’il développe le diabète.»

«De nombreuses technologies arrivent sur le marché, leur principal défi étant de gagner la confiance des médecins. Ces derniers doivent pouvoir rester aux commandes et avoir la garantie de la qualité de l’application. La pyramide Mobile Health de 36 applications qui se sont préparées pour être un jour remboursées par l’Inami est gérée par l’Inami depuis octobre. Nous disposerons bientôt de la liste des applis qui sont remboursées et de celles qui sont presque remboursées. Une campagne de sensibilisation pourra alors être lancée pour inciter les médecins généralistes à prescrire ces applications. Dans leur itinéraire de soins, les patients pourront ainsi compter sur des médicaments, mais aussi sur des applis fiables et remboursées.»

Eminem
Les médecins généralistes devraient aussi se réjouir de l’existence de ChatGPT et l’utiliser dans certains cas. Voici deux exemples. Un médecin doit expliquer une maladie compliquée à un petit bout de 6 ans. Qu’il demande à ChatGPT d’expliquer le vitiligo à un enfant de 6 ans! En 6 secondes, ChatGPT rédige un protocole spécifiquement adapté aux enfants. Pour un ado, vous pouvez par exemple demander d’expliquer le traitement à la manière d’Eminem. Et ChatGPT génère instantanément un rap. C’est fascinant. Pour le médecin, c’est un réel enrichissement. Vous devenez soudainement un médecin trop cool, aux super explications», conclut Koen Kas.

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.

Derniers commentaires

  • Philippe TASSART

    27 décembre 2023

    Eh Koen le futurologue auto proclamé ! Je suis bien conscient que nous devrons inclure l'IA dans notre pratique mais pas pour expliquer un vitiligo à un gosse de 6 ans ! Viens là, quitte un peu ton unif et retourne sur terre avec nous. Tu commences par nous encenser et puis tu dis que nous ferons de parfaits petits récolteurs de données au bénéfice des spécialistes et des firmes pharma ! Dis Koenneke, tu nous prends vraiment pour des caves ? Je la connais ta phrase "Un patient diabétique pourra recevoir un programme prescrit par l’hôpital, mais encadré par le médecin généraliste". Tu oublies de dire que tu enverras tes super infirmières au domicile même du patient, bien sûr toujours sous notre autorité et toujours bien sûr pour nous aider (la contagion VDB). Allez Koen, viens boire un pot et on rigolera bien de ta farce !

  • Roger LEONARD

    23 décembre 2023

    Séduire toujours plus ce qui devient une clientèle, suivre le monde dans ses divagations les plus inhumaines’ , et puis perdre encore un peu de sens de l autre, entre commerce et cirque...