Offline et online: une réponse complète au conseil officinal

Menacé par l’essor de l’e-commerce, le magasin physique n’a pas dit son dernier mot. S’il conserve la préférence des consommateurs, il doit néanmoins se réinventer en intégrant le meilleur de l’innovation digitale, afin de mieux comprendre le client et de lui offrir une expérience plus personnalisée. Nous ne pouvons ignorer l’essor de l’e-pharmacie et les nouvelles technologies de communication de nos patients. La vente en ligne des médicaments et produits de santé ainsi que la digitalisation des services sont devenues une réalité.

Non, le commerce physique n’est pas mort!
Depuis une dizaine d’années, on craint la disparition prochaine des magasins, petits ou grands, qui font vivre nos centres-villes et nos périphéries urbaines. Pour toute une nouvelle génération de consommateurs, acheter passe dorénavant par la consultation d’Instagram, avant de commander en ligne. Cette mutation profonde des comportements d’achats semble signer l’arrêt de mort du commerce physique. Un bouleversement confirmé par certains chiffres alarmistes. Mais le retail résiste et, s’il sait se réinventer, a encore de belles perspectives devant lui. Tout conquérant qu’il soit, en Belgique, le commerce en ligne ne représente encore que 13% des ventes au détail. Et, selon une étude de l’Ifop (Institut français d’opinion publique), 85% des Français privilégient les magasins physiques pour acheter les produits jugés de première nécessité. Le contact humain, l’écoute, la disponibilité, l’expertise, les conseils personnalisés, sans parler de la possibilité de toucher les produits, ou de prendre son temps pour évoluer dans l’univers de la marque, sont autant d’atouts plébiscités par les consommateurs.

Réinventer le point de vente
Néanmoins, la déferlante digitale et la transformation des modes de consommation obligent les points de vente physiques à se réinventer et à transformer la révolution numérique en opportunité.
La complémentarité entre retail physique et digital n’est plus à démontrer. Une convergence qui passe par la mise en place de stratégies par tous les canaux possibles, la digitalisation du point de vente, qui doit proposer de nouveaux outils afin d’enrichir et de fluidifier l’expérience client en boutique. Les possibilités sont nombreuses: tablettes équipant les conseillers de vente ou mises à disposition des clients, écrans tactiles et bornes connectées, paiement mobile, réalité augmentée, livraison en magasin et la collecte des données clients afin de proposer un service toujours plus personnalisé.
Autant d’innovations qui se doivent d’offrir une réelle valeur ajoutée au consommateur dont doit s’inspirer le monde officinal. Le patient est désormais hyper-connecté, hyper-informé et, par conséquent, hyper-exigeant. En ligne, il s’informe, compare, recueille les avis.

L’expérience du retail, transposable à la pharmacie?
Le modèle de la pharmacie actuelle se retrouve confronté à de multiples facteurs de changements structurels: diminution des dépenses publiques en termes de soins de santé, vieillissement de la population, évolutions dans le modèle de consommation et, finalement, une ouverture toujours plus grande à la concurrence, en ce compris celle de la pharmacie en ligne. La concurrence d’Internet dans le domaine des produits paramédicaux et sans ordonnance est aujourd’hui une des préoccupations principales du pharmacien. À ce jour, 6% de la consommation pharmaceutique se produit au travers de celles-ci.

«Les pharmacies classiques doivent se rendre compte que la pharmacie en ligne a entamé une marche inéluctable», explique Bert Winnen, chef de cabinet de la Ministre de la Santé publique Maggie De Block. «L’offre s’en tient aujourd’hui aux produits paramédicaux ainsi qu’aux médicaments en vente libre, mais il ne faudra pas longtemps avant que les e-pharmacies proposent des médicaments sur prescription».
«Le pharmacien d’aujourd’hui est bien conscient qu’il doit avancer avec son temps et investit énormément dans le service, le conseil et l’accompagnement du patient. L’accélération est donc le mot d’ordre», insiste Lieven Zwaenepoel, vice-président de l’Association Pharmaceutique Belge (APB). «L’e-pharmacie est en marche, cependant je me pose la question de l’éthique et des garanties qui y sont associées. L’APB ne cherche en aucun cas à éluder le débat et désire collaborer constructivement afin d’organiser, réguler et former les pharmaciens d’aujourd’hui et de demain.»

«Même si elles soutiennent le contraire, le niveau qualitatif de ces pharmacies en ligne actuelles est déficient», affirme Alain Chassepierre, président de l’APB. «Des études ont notamment montré qu’il y manque un contrôle sur la fourniture des produits

«La délivrance responsable d’un médicament (prescrit ou non) ne se fait pas de façon anonyme, à distance, sans interaction avec le patient. Cela comporte un risque pour la santé publique. Tout comme il est inacceptable qu’un Dossier Pharmaceutique ne soit pas complété de toutes les délivrances de médicaments, suivies par un pharmacien-prestataire de soins et mises à la disposition de l’ensemble de l’équipe de soins du patient sous la forme d’un schéma de médication. Sinon, cela débouche, in fine, sur des erreurs médicales». «La délivrance d’un médicament s’inscrit dans le cadre d’une relation thérapeutique. Cette relation est basée sur la confiance, la connaissance et l’engagement social. Pas sur la consommation de masse
«Offrir un service en ligne en prolongement d’une pharmacie physique ou permettre des transactions digitales entre un patient et son pharmacien de référence ne pose donc aucun problème. En revanche, cela déraille sérieusement lorsque vous déconnectez la délivrance d’un médicament de l’accompagnement et du suivi thérapeutiques, dans ce cas, même si la vente concerne la santé, elle ne tient compte que de l’aspect économique». «La réservation d’un médicament en ligne ou sa livraison à domicile est envisageable moyennant le respect absolu des règles déjà en vigueur aujourd’hui, dans le cadre d’une relation existante avec un pharmacien (de référence) choisi librement par le patient, et, toujours, dans la perspective d’une amélioration de la qualité des soins prestés au patient.»

«La vente en ligne de médicaments soumis à la prescription est quant à elle inacceptable, elle n’est pas d’actualité, il y a un cadre légal à respecter.»

Tenir compte de la demande du patient
Christian Counye, Country Strategic Development Director du groupe Sabco/Pharmagest, inverse la réflexion: «Plutôt que se demander ce que doit devenir le pharmacien, il est crucial de sonder le patient afin de savoir ce que lui attend désormais du prestataire. La clé se trouve dans le partage du dossier entre le médecin, le pharmacien et l’établissement de soins. Un des éléments prépondérants dans ce trafic d’informations est le smartphone, qui contrôle la prophylaxie, l’observance ainsi que le suivi pré-postopératoire et ambulatoire.» Christian Counye souligne en outre que le pharmacien continuera à effectuer une série de tâches dans son officine, telles que la vaccination, le coaching et la mesure de différents paramètres de santé. Le patient aura toujours besoin d’un contact en face-à-face.

Se regrouper pour exister en ligne
Exister sur internet demande des investissements très importants. Il est donc fort probable que les sites d’e-pharmacie qui vont émerger dans les mois/années à venir seront des groupements d’officines, qui mutualiseront leurs moyens.

Les différentes organisations professionnelles du secteur ainsi que la mutuelle d’assurance pour pharmaciens Curalia ont créé la société coopérative Pharmacy OnLine (POL). Une société commune qui en est presque à la fin du développement final de tout un écosystème d’applications et de sites internet destinés aux pharmaciens d’officine.

Cette initiative est une réponse à une demande formulée à leur encontre par la ministre de la Santé publique Maggie De Block lors de la négociation du cadre pluriannuel pour le patient avec les pharmaciens d’officine. Dans ce contexte, la ministre fédérale avait demandé au secteur «d’améliorer son accessibilité», afin d’assurer que toute personne en incapacité physique ait bien accès aux médicaments. Le service qu’offrira POL résoudra cette question.
Concrètement, POL propose aux 4.237 pharmaciens indépendants membres de ses organisations fondatrices d’adhérer à un système en ligne à trois niveaux. C’est une plateforme permettant à chaque pharmacien de configurer son site web de façon personnalisée, offrant une information objective sur les médicaments, les pathologies et la santé au sens large, renouvelée plusieurs fois par mois. Une application permet de gérer l’interaction avec les patients (e-mail, chat, SMS…). POL peut inclure la commande et l’achat de produits et médicaments non soumis à prescription, mais aussi la réservation des médicaments soumis à la prescription. Actuellement, 1.000 pharmacies ont adhéré à cette plateforme.

«L’objectif de POL n’est pas que les pharmaciens se fassent concurrence entre eux, mais bien de permettre à chacun de développer un modèle qui, tout en préservant la proximité, garantisse la qualité des soins pharmaceutiques en plaçant la relation pharmacien/patient au cœur du système», décrit Alain Chaspierre, président de l’APB, dénonçant les déficiences du conseil pharmaceutique des sites de vente sur Internet.

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