Comment augmenter la littératie en santé du patient

Une conférence de Liège Créative abordait récemment le sujet de la littératie en santé et de la manière dont le patient peut mieux s’approprier sa prise en charge en ayant une compréhension réelle des outils et données qui lui sont proposés. Question de fond posée: “comment augmenter les capacités et compétences des patients?”

A l’heure de l’e-santé, de technologies numériques envahissantes et d’un basculement vers une participation plus active du patient dans son suivi de santé, comment ce dernier peut-il avoir le bagage, la compréhension nécessaires pour se les approprier utilement?

Aurore Margat, maître de conférences en Sciences infirmières à l’Université Sorbonne Paris-Nord (1), posait le cadre du concept d’“intelligibilité” en santé, proche de ce qu’on appelle la “littératie” en santé que l’OMS définit comme suit: “caractéristiques personnelles et ressources sociales nécessaires des individus et des communautés afin d’accéder, de comprendre, d’évaluer et d’utiliser l’information et les services pour prendre des décisions en santé”. Autrement dit, la capacité d’une personne à être autonome dans la compréhension des informations concernant sa santé et la gestion de ses maladies.

Des carences en littératie ont des implications non négligeables en termes d’usage des médicaments, de taux, fréquence ou gravité d’épisodes d’hospitalisation, de capacité à auto-gérer sa santé ou son contexte de vie.

La compréhension passe notamment, rappelait Aurore Margat, par une formation adéquate. Qu’elle soit auto-acquise ou fournie par les institutions d’enseignement, de formation tout au long de la vie…

Il faut penser l’éducation [de l’individu] en santé tout au long de la vie, de la péri-natalité au grand âge, et pas uniquement de manière ponctuelle, lors de la survenue de maladies, soulignait-elle. Il faut “arrêter de proposer les mêmes formats à tout le monde. Il faut les rendre accessibles en fonction des besoins de chacun et de son contexte, et ce, afin de réduire les inégalités sociales”. inégalités que l’on sait encore approfondies par la “fracture numérique”, comme le démontrait à nouveau, lors de la même conférence, Jeremy Dagnies, chargé de cours en sciences politiques et sociales à l’UCLouvain.

Il évoquait notamment l’influence du degré de scolarité, l’impact de l’environnement social et, facteur aggravant, une carence d’accès à et de compréhension de l’information qui touche plus spécifiquement certaines catégories de personnes et qui “comporte des risques de développement de croyances ayant des conséquences profondes sur les comportements et les choix de santé”. La double ou triple peine, en quelque sorte, pour des personnes déjà en situation de précarité, voire de décrochage, social et/ou numérique.

Tous concernés

L’impératif de formation concerne bien évidemment aussi les professionnels qui doivent être sensibilisés et formés, que ce soit dans le champ des interventions purement médicales ou dans celui l’accompagnement social.

Mais la formation n’est que l’une des pièces du puzzle. C’est la totalité des moyens d’aide à la littératie en santé qu’il convient de revoir., soulignait Aurore Margat. A commencer par une nécessaire simplification du discours médical, des documents et des données générées, collectées, mises à disposition par myriades.

Selon Aurore Margat “Les professionnels de santé ont appris à être inintelligibles. Être inintelligible, c’est s’assurer de garder le pouvoir, de garder l’autre à distance du savoir médical. Nous n’avons pas d’excuse pour cela, en particulier à une époque où on demande aux gens d’être de plus en plus autonomes dans la gestion de leur santé.”

Dans sa relation “foncièrement asymétrique” avec le patient, le professionnel de santé doit s’assurer qu’il a bien compris le message et l’a mémorisé correctement. Ce qui n’est le cas que dans 12% des consultations, selon une étude publiée en 2003. Une méthode consiste à faire reformuler et ré-expliquer par le patient l’information qui lui a été fournie. Ce qu’on appelle la méthode “Teach Back”.

(1)   Les recherches de Aurore Margat portent plus particulièrement sur l’apprentissage des personnes en situation de vulnérabilité.

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Derniers commentaires

  • Sammie SOETAERT

    03 novembre 2022

    N'y a-t-il pas là une opportunité pour les mutualités de soutenir leurs membres en aidant les professionnels de la santé dont le nombre n'est pas suffisant pour faire face à la charge de travail ?