Le projet flamand WE ARE développe un modèle de gestion numérique des données de santé permettant aux citoyens de stocker et de partager eux-mêmes leurs informations médicales dans un espace sécurisé. L’initiative est portée par l’institut de recherche VITO, en collaboration notamment avec Domus Medica, Zorgnet-Icuro et le Vlaams Patiëntenplatform.
Le système repose sur la technologie Solid, développée par le créateur du World Wide Web, Sir Tim Berners-Lee. Il permet un stockage décentralisé des données dans un environnement entièrement contrôlé par l’utilisateur. L’élément central du modèle est un POD (Personal Online Datastore), véritable coffre-fort numérique dans lequel le citoyen peut regrouper ses données médicales, issues aussi bien de rapports cliniques traditionnels que d’applications comme Fitbit, MyFitnessPal ou Vity. L’utilisateur décide qui a accès à quelles données et pour combien de temps.
« Les citoyens génèrent aujourd’hui eux-mêmes des données de santé précieuses, mais celles-ci restent enfermées dans des silos », explique Nathalie Lambrechts, coordinatrice du projet chez VITO. « WE ARE les aide à les stocker en toute sécurité et à les utiliser pour améliorer la prévention et proposer des soins plus personnalisés. »
Contrôle renforcé et transparence
La pandémie de Covid-19 a contribué à renforcer la prise de conscience du grand public quant à l’utilisation des données de santé. « La crise a marqué un tournant », poursuit Lambrechts. « Les gens consultaient quotidiennement des tableaux de bord, tout en se demandant qui avait accès à leurs données personnelles. Depuis, la demande de transparence et de contrôle n’a fait que croître. »
Dans ce modèle, la collecte des données repose exclusivement sur le consentement explicite, ciblé et révocable de l’utilisateur. Contrairement aux plateformes commerciales, aucune donnée n’est captée automatiquement.
« Nous ne voulons pas d’un système avide de données captant des masses d’informations sans que l’utilisateur sache à quoi elles servent », insiste la coordinatrice. « WE ARE repose justement sur le principe de minimisation des données. Seules les informations strictement utiles pour un objectif de soins précis sont partagées, et uniquement avec l’autorisation du patient. »
Des usages cliniques concrets
Pour les médecins, ce système pourrait offrir un accès à des données complémentaires, aujourd’hui souvent absentes du dossier patient électronique (DPE), comme celles issues du suivi à domicile, d’applications de rééducation ou de programmes de santé personnalisés. Ces données peuvent être utilisées, avec l’accord du patient, pour affiner le suivi ou améliorer la stratification des risques.
Le Dr Jos Vanhoof, médecin généraliste, voit dans WE ARE une solution innovante : « Ce qui fait la force de ce modèle, c’est qu’il place le patient au centre sans transférer ses données à des acteurs commerciaux. On centralise les informations au niveau individuel, mais c’est l’utilisateur qui garde le contrôle. Le système agit comme un coffre-fort et une écluse. »
Il souligne toutefois la nécessité d’un dispositif d’urgence : « Si un patient a entièrement verrouillé son POD et devient ensuite inapte, il doit exister une solution – par exemple une ‘clé numérique’ prédéfinie pour les prestataires autorisés – afin d’éviter que des informations médicales essentielles deviennent inaccessibles. »
Respect des normes européennes
L’architecture du projet WE ARE est conforme au RGPD et s’aligne sur les textes européens comme le Data Governance Act et le futur Espace européen des données de santé. Le soutien technique est assuré par Athumi, l’entreprise publique flamande spécialisée dans la gestion des données. Les partenaires commerciaux peuvent participer au projet, à condition de respecter des limites strictes et sans obtenir aucun droit de propriété sur les données.
Des tests sont en cours dans plusieurs environnements pilotes. L’objectif est de créer un modèle éthique, interopérable et centré sur le patient, qui renforce la confiance sans compliquer la pratique des soins.
« Nous voulons un système où le patient n’est pas seulement une source de données, mais aussi le gestionnaire de ses propres informations », conclut Nathalie Lambrechts. « C’est ainsi que l’on construit la confiance, sans alourdir inutilement le travail des soignants. »
> Plus d’informations : https://we-are-health.be/nl