Deux députées du CD&V proposent un financement plus souple pour les soins numériques

Nawal Farih et Nathalie Muylle (CD&V) ont introduit à La Chambre une proposition de résolution relative à l’accessibilité des applications numériques liées à la santé.  Les deux députées proposent de s’inspirer du modèle allemand. Le projet est à découvrir à la fin de l’article.

Selon des experts allemands, le recours massif aux applications numériques devrait permettre de développer rapidement nos connaissances concernant l’efficacité, les coûts et les bénéfices de la santé numérique.

Dans le domaine de la prise en charge à domicile (homecare), le recours à ces outils pourrait générer une diminution des coûts allant jusqu’à 41 % (sous l’effet d’une réduction du travail infirmier). L’hospitalisation à domicile permet notamment à certains patients d’avoir davantage le contrôle de leur vie et de leur traitement et de voir leurs préférences mieux prises en compte. Dans ce contexte, les applications numériques peuvent les aider à maintenir voire à renforcer le lien avec l’équipe de soins hospitalière, en mettant directement l’expertise à leur disposition (en ligne) à leur domicile sans leur imposer un déplacement à l’hôpital.

Les prestataires de soins aussi ont accès à plus d’informations sur l’état de santé du patient grâce au suivi numérique.

En outre, les applications liées à la santé et les consultations numériques peuvent également réduire le nombre d’admissions aux urgences, ce qui permettrait d’abaisser les besoins de ce service en personnel et en médecins au profit des consultations dans les autres services.

Ne pas remplacer la consultation classique
Il est toutefois capital que les soins de santé numériques ne remplacent pas les consultations classiques et que l’hospitalisation à domicile ne devienne pas une obligation pour le patient. Les applications de santé doivent être en premier lieu un complément au contact physique avec le médecin traitant ou un soutien au rétablissement. Il importe aussi de souligner à cet égard que certains groupes de population n’y ont pas (encore) suffisamment accès.

Par ailleurs, la vigilance est de mise en ce qui concerne les données. Les applications utilisées doivent être sûres et soumises à des conditions strictes. Sur ce plan, la Belgique pourrait utilement s’inspirer de la Patientendaten-Schutz-Gesetz [loi sur la protection des données des patients] récemment introduite en Allemagne, où c’est le patient et lui seul qui est habilité à décider de l’usage qui peut être fait de ses données et des personnes qui y ont accès. Il va sans dire que notre législation devra aussi être en conformité avec le RGPD.

Remboursement
Quelques projets pilotes sont en cours mais, à quelques rares exceptions près, les applications qui existent déjà ne sont pas ou guère remboursées dans notre pays.

L’Allemagne dispose au contraire déjà d’un système de remboursement pleinement fonctionnel. Les modalités de l’intervention sont fixées individuellement pour chaque application au travers de négociations directes avec l’entreprise qui l’a développée, sur la base de la Digitale-VersorgungGesetz (DGV) [loi sur les soins numériques] et de la Digitale-GesundheitsanwendungenVerordnung [directive sur les applications de santé numériques].

La DGV, qui est entrée en vigueur le 19 décembre 2019, a posé les bases du droit des assurés à bénéficier d’applications de soins numériques. Elle a notamment ouvert à 73 millions de citoyens allemands le droit d’utiliser une application de santé prescrite par leur médecin ou psychothérapeute (« appli sur prescription ») et remboursée par l’assurance soins de santé-indemnités… à condition du moins que l’outil ait été préalablement approuvé par l’Institut Fédéral pour les Médicaments et les Dispositifs Médicaux.

En Belgique, il est urgent de donner une impulsion nouvelle à la pyramide de validation introduite pour la santé mobile (mHealth) par Maggie De Block. Début juin 2021, un cadre relatif à la procédure que les entreprises d’applications médicales mobiles doivent suivre pour intégrer leurs applications dans le système de remboursement de l’Inami a enfin été mis à disposition par l’Institut. Malheureusement, les délais indicatifs pour parcourir cette procédure restent très brumeux. Il ne sera donc pas possible de rembourser rapidement les applications de santé après leur introduction, ce qui représente tout de même un frein considérable à l’innovation.

Fast track
Là encore, l’Allemagne montre la voie à suivre. Une procédure accélérée baptisée Fast-Track-Verfahren permet aux applications concernées d’être lancées – et remboursées – dans un délai de trois mois. Chez nous, elles doivent d’abord passer par toutes les étapes de la procédure avant de pouvoir faire l’objet d’un remboursement.

En Allemagne, la grande différence réside dans la démonstration de la plus-value de l’application pour le patient. Si celle-ci peut être immédiatement établie, l’application peut être approuvée sans délai et reprise dans le registre central sur lequel les médecins basent leurs prescriptions. Si la plus-value n’est pas immédiatement démontrée, les entreprises ont 12 mois pour combler cette lacune à dater de l’inscription dans le registre. Là encore, le remboursement est accordé immédiatement, mais la preuve d’une plus-value réelle – prenant la forme soit d’un bénéfice médical, soit d’une amélioration du processus de soins pour le patient – doit être apportée dans un délai de 12 mois.

La procédure accélérée présente l’avantage de permettre aux petites entreprises et start-ups de lancer leur produit sans attendre. Bien souvent, ces acteurs ne disposent en effet pas des moyens nécessaires pour réaliser en amont une étude de grande envergure démontrant la plus-value de leur système.

Obligation de collaborer avec le secteur des soins
Une autre différence est que, dans notre pays, le projet est toujours introduit par l’entreprise ou le développeur. En Allemagne, une collaboration avec le secteur des soins est obligatoire et la demande est déposée conjointement par les hôpitaux et la firme qui a développé l’appli. La collaboration avec l’industrie numérique de la santé/avec les organismes assureurs et la participation du système de soins revêtent une grande importance pour le déploiement de l’application à plus grande échelle. Il serait en effet absurde de prévoir un budget pour des systèmes qui ne seront guère voire pas utilisés par les professionnels.

Financement
En septembre 2020, le gouvernement allemand a dégagé un budget de trois milliards pour soutenir la numérisation des soins de santé. Un Hospital Future Act incite les hôpitaux allemands à embrasser l’informatisation. Les projets introduits dans ce cadre seront évalués, tout comme l’état d’avancement de la numérisation dans les établissements de soins du pays.

Les deux auteurs de la proposition de résolution souhaitent qu’une trajectoire de croissance soit définie pour accroître la part du budget fédéral de la santé consacrée aux soins de santé numériques, en s’intéressant aux investissements dans la recherche scientifique et l’innovation en matière de soins de santé numériques et à leur mise en œuvre sur le terrain. Ceci devrait permettre aux médecins de prescrire à leurs patients les applications numériques relevant du niveau M2 de la pyramide de validation mHealthBelgium et de rembourser immédiatement celles-ci si elles présentent une plus-value démontrée en termes d’accessibilité, d’observance thérapeutique et de résultats.

> Découvrez le texte intégral de la proposition de résolution

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