« Médecine : Les études doivent être plus courtes ! » ( Dr Laurent Alexandre )

Le Dr Laurent Alexandre, chirurgien-urologue de formation, spécialiste en intelligence artificielle et auteur de nombreux livres, s’interroge sur l’avenir des médecins face aux bouleversements annoncés par l’IA. Dans son prochain ouvrage, Ne faites plus d’études !, qui paraîtra le 9 octobre, il affirme que la durée des études médicales n’a plus de sens et que la pratique des soignants sera profondément transformée par les diagnostics automatisés et l’arrivée des robots.

Pour le Dr Laurent Alexandre, l’intelligence artificielle va rapidement supplanter le médecin dans sa fonction centrale : le diagnostic. Les patients préféreront bientôt, selon lui, être pris en charge par une IA plutôt que par « un grand professeur ». Ce bouleversement impose, dit-il, de repenser la formation médicale : dix années d’études n’ont plus de sens dans un monde où la technologie évolue plus vite que les cursus universitaires. Le médecin devra devenir un « orchestrateur d’intelligence artificielle », recentré sur la relation avec le patient, tandis que les robots dépasseront progressivement les praticiens dans la réalisation des actes techniques.

Au fil de vos conférences et de vos livres, on peut se poser une question : que vont devenir les médecins ? Leur pratique va être plus que bousculée…
Le diagnostic fait par l’IA aura en médecine plus de valeur que le diagnostic fait par le grand professeur dans quelques années. Les patients vont bientôt dire : Je préfère être soigné par l’IA qu’être soigné par un grand médecin.

Comment forme-t-on un médecin, aujourd’hui ?
Les autorités et les universités doivent mettre en place des études plus courtes. Avec les avancées technologiques, dix ans d’études n’ont pas de sens. En sortant de l’université, la médecine aura trop évolué. L’intelligence artificielle aura complètement modifié la façon dont on soigne. Les universités doivent mettre en place des études plus courtes, avec une recherche permanente de complémentarité entre l’IA et les médecins, et un changement de point de vue. Le diagnostic du futur ne sera pas fait par le médecin. Le médecin n’a aucune chance d’être compétitif avec l’IA.

Restera-t-il un lien avec le patient ?
Pour parler au patient, un médecin n’a pas besoin d’avoir réalisé dix ans d’études. Le médecin va devenir un orchestrateur d’intelligence artificielle. Il va cesser de faire des diagnostics et de rédiger des ordonnances. Dans quelques années, il sera interdit à un médecin de faire une ordonnance sans l’autorisation de l’intelligence artificielle. En tant que médecin, je trouve cette évolution très vexante, mais c’est la réalité.

Au niveau des réglementations du métier, comment cela va-t-il se passer ?
Aujourd’hui, il existe un décalage immense entre la puissance de l’IA et les outils réglementaires à la disposition du médecin, qu’il soit généraliste ou spécialiste. D’ailleurs, cette différence entre les deux est un débat du XXe siècle qui ne survivra pas à l’intelligence artificielle.

En quoi le médecin reste-t-il plus « fort » que l’IA ?
Aucun médecin au monde, sur un dossier tiré au hasard, ne battra l’IA. Par contre, elle n’est pas encore capable d’analyser convenablement un scanner sous forme d’image. Elle fera des erreurs. Et en même temps, elle aura une meilleure interprétation textuelle que les radiologues… et croisera mieux le dossier médical avec le scanner.

Un jeune peut-il encore rêver d’accomplir ce type d’études ?
Les facultés de médecine envoient nos jeunes futurs collègues au casse-pipe. Le retard des universités est terrible et incompréhensible. Ils ne sont pas formés à être de bons utilisateurs de ChatGPT, qui gagne un point de caution intellectuelle chaque semaine.

L’aspect humain du métier restera-t-il une plus-value ?
Il faut le dire : ChatGPT est plus empathique que nous. Avec sa mémoire absolue de tous les échanges, il peut parler des heures avec un patient. Aucun médecin ne peut atteindre ce temps d’écoute aujourd’hui. Nous avions eu une première alerte sur cette question – l’étude du JAMA – qui comparait l’empathie des médecins et des docteurs avec une vieille version de ChatGPT.

Dans ce contexte, jeune, vous feriez encore médecine ?
Il y a quelques années, j’aurais encore dit oui. Mais aujourd’hui, non, la technologie avance trop vite. Il y a urgence à réinventer la formation et à miser sur l’adaptabilité, la culture générale, l’agency, terme anglais qui veut dire la volonté d’agir. Je réfléchirais au mode futur d’exercice de la médecine. Je réfléchirais à de nouvelles formes d’organisation de la médecine. Kai-Fu Lee, qui est le plus grand spécialiste mondial de l’économie de l’IA, a écrit récemment : le médecin de 2030 est un « compassionate caregiver », un tiers infirmière, un tiers technicien, un tiers assistante sociale.

Comment traiter les déserts médicaux ? Ils vont empirer, sans médecin !
Nous pourrons compter sur l’IA. À terme, les robots humanoïdes opéreront mieux que les meilleurs chirurgiens humains . Contrairement au Da Vinci, qui n’est pas un robot mais un bras télémanipulé, la quasi-totalité des puces GPU pour l’intelligence artificielle est en train d’investir massivement dans des systèmes d’exploitation avancés destinés aux robots médicaux. Je pense qu’on va être moins bons sur les actes techniques que les robots, ne serait-ce qu’à cause de nos limitations visuelles.

Certains hôpitaux, certains médecins s’inquiètent de l’impact écologique de l’intelligence artificielle ? Est-ce un problème ?
L’IA va permettre de guérir le cancer. Qui va dire : Je veux que mon gamin meure parce que je veux qu’on économise 14 grammes de CO2 ! Par ailleurs, les progrès technologiques sont énormes. Google a publié hier une étude qui montre que l’impact CO2 d’une requête sur Gemini a été divisé par 44 en 12 mois. En un an, une requête sur l’IA de Google émet 44 fois moins de CO2 qu’il y a un an. En réalité, ce problème n’existe pas. On va créer des intelligences artificielles très économes en énergie, émettant très peu de CO2, et comme de surcroît l’intelligence artificielle va nous aider à développer l’énergie de fusion qui n’émet pas du tout de CO2… L’intelligence artificielle sera un bien pour le climat et l’environnement, et pas du tout la catastrophe que les Greta Thunberg nous annoncent.

Un message d’espoir pour les médecins, les professionnels de santé ?
Investissez-vous dans le développement de la technologie, dans la recherche, dans la création de start-up. De nombreuses opportunités existent. Lancez-vous.

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.