Banque de certificats médicaux : l’APD alerte sur un projet « disproportionné et dangereux »

L’Autorité de protection des données (APD) émet de sérieuses réserves à propos de la banque centrale de certificats médicaux que souhaite instaurer le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke. Dans un avis que Medi-Sphère et Le Spécialiste ont pu se procurer, l’APD évoque des « risques considérables » et met en garde contre un « glissement vers une société de surveillance ». La date de lancement prévue le 1er octobre apparaît en outre irréalisable.

La Belgique comptait fin 2023 plus d’un demi-million de malades de longue durée. Les indemnités d’invalidité coûtent désormais plus de 9 milliards d’euros par an aux pouvoirs publics. Pour tenter de contenir ce chiffre, le ministre Vandenbroucke veut créer une base de données centralisée dans laquelle les certificats médicaux seraient systématiquement collectés. Dans un premier temps, elle concernerait les incapacités de travail de plus de quatorze jours, avant d’être étendue à tous les certificats.

Cette banque de données, qui serait gérée par l’Inami, doit permettre de surveiller le comportement de prescription des médecins et de détecter d’éventuelles fraudes de patients. Les praticiens qui délivreraient des certificats de manière jugée trop fréquente ou trop longue pourraient être interpellés et sanctionnés.

Risques considérables
Selon l’Autorité de protection des données, anciennement Commission de la vie privée, il s’agit d’un instrument excessif. La création d’une telle banque de données constitue « une ingérence particulièrement significative » dans le droit à la vie privée et à la protection des données, indique-t-elle.

La centralisation massive de données de santé concernant des personnes en situation de vulnérabilité comporte, selon le régulateur, d’importants risques, notamment celui d’un function creep, c’est-à-dire une réutilisation ultérieure des données à d’autres fins. L’APD estime aussi que la durée de conservation proposée de dix ans est disproportionnée.

Elle relève en outre que les notions de « comportement de prescription inapproprié » ou « d’utilisation abusive de la relation thérapeutique » ne sont pas suffisamment définies. Ce que les autorités entendent précisément par médecins qui prescrivent « trop souvent ou trop longtemps » reste trop vague, selon l’APD.

Un manque de transparence
L’Autorité attire également l’attention sur les dangers liés à l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le traitement des données. L’exploration de données via l’IA peut produire de faux signaux et engendrer des discriminations, avec de lourdes conséquences pour les médecins comme pour les patients.

L’APD fait explicitement référence au scandale des allocations familiales aux Pays-Bas (Toeslagenaffaire), où des milliers de familles ont été injustement étiquetées comme fraudeuses. « Le contrôle humain n’est pas suffisamment garanti et la transparence fait défaut, tant sur les algorithmes que sur les attributions de l’Inami », avertit l’institution.

Elle ne dit pas un « non » catégorique au projet, mais réclame du ministre des ajustements fondamentaux. La base juridique doit être renforcée et des garanties supplémentaires sont nécessaires en matière de protection des données et de transparence.

Le ministre reconnaît les problèmes
Le ministre Vandenbroucke a déclaré dans le quotidien flamand De Tijd prendre ces critiques au sérieux. « Nous sommes conscients d’un certain nombre de risques et de la sensibilité des données, c’est précisément pour cette raison que nous voulons inscrire la banque de données dans la loi. Nous adaptons actuellement le projet de loi sur la base des recommandations de l’APD et garantissons que le régulateur puisse garder un œil attentif », explique-t-il.

L’ambitieux calendrier est toutefois revu. Le lancement initialement prévu le 1er octobre 2025 est reporté au début de 2026.

> Accéder à l’avis de l’APD

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