Pour la première fois, une juridiction française a imposé la suppression d’une fiche Google My Business concernant un professionnel de santé, en application du règlement général sur la protection des données (RGPD). La décision, rendue le 22 mai 2025 par la cour d’appel de Chambéry, pourrait avoir des répercussions bien au-delà des frontières françaises, y compris en Belgique.
Une chirurgienne-dentiste avait découvert la création d’une fiche Google My Business à son nom, sans qu’elle n’en ait donné l’autorisation. Y figuraient ses coordonnées professionnelles et plusieurs avis, dont certains négatifs. Elle a saisi la justice pour obtenir la suppression de cette page.
La cour d’appel a confirmé l’ordonnance du tribunal de Chambéry, ordonnant l’effacement de la fiche et condamnant Google LLC et Google Ireland Limited à verser 10.000 euros de dommages et intérêts à la praticienne. Google France a, pour sa part, été mise hors de cause.
Les juges ont retenu que les données reproduites – bien que professionnelles – constituaient des données personnelles et relevaient du RGPD. Quant à la base juridique avancée par Google, à savoir l’« intérêt légitime », la cour a suivi une grille stricte définie par le Comité européen de la protection des données (CEPD). Les arguments de la plateforme, qui invoquait la liberté d’expression et le droit du public à l’information, ont été jugés insuffisants face aux atteintes concrètes subies.
La décision souligne notamment que le secret médical empêche un praticien de répondre librement aux avis, même erronés ou diffamatoires, que la gestion de la fiche impose l’ouverture d’un compte Google – créant une contrainte commerciale – et que la publication d’avis anonymes ou non vérifiables accentue le déséquilibre. Les juges estiment que la fiche constitue avant tout un vecteur d’exploitation commerciale, permettant à la société de valoriser ses services publicitaires et de tirer profit des données collectées.
L’arrêt confirme ainsi que, sans base légale valable, un médecin peut invoquer le droit à l’effacement prévu par l’article 17 du RGPD. Bien que limité au droit français, ce jugement marque un tournant et pourrait servir de référence dans d’autres pays européens, dont la Belgique, où de nombreux médecins sont confrontés à des fiches créées sans autorisation.
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