Belgique, Intelligence Artificielle et Santé: quo vadis? (Dr G. Briganti)

La semaine européenne de l’Intelligence Artificielle (European AI Week) organisée par le SPF BOSA en collaboration avec les écosystèmes fédéraux (AI4Belgium, Blockchain4Belgium, etc.) est le moment où les yeux du public sont tournés vers l’IA et les nouvelles technologies. 

Pas nouveau, pensent certains : l’IA est tous les jours dans les médias. Encore hier, une IA, le chatbot Eliza, était mise en avant comme ayant joué un rôle potentiel dans le suicide d’un patient . Mais il est vrai que, dans le cadre de la santé, faire le point de façon critique et éclairée sur cette technologie aux potentiels et périls immenses est nécessaire.

Dans ce sens, j’ai voulu organiser cette année un ensemble d’évènements cohérents dans le track santé de cette semaine IA. Nous avons discuté écosystèmes, adoption, éthique, données, et plein d’autres domaines en contact avec la santé. Alors ce track représente un résumé de ce qu’il s’est passé en 12 mois d’innovation belge en IA, et aussi porte un regard sur ce qu’il se passera dans le futur à court et moyen terme. 

Une convergence d’écosystèmes

Le premier événement de la journée du 29 mars dédiée à la santé a mis en lumière la convergence d’écosystèmes en Belgique. Ce qui semblait au début une redondance à la Belge d’initiatives innovantes (« il y en a de trop et on ne s’y retrouve plus ! » disaient certains ) montre en fait comment des initiatives différentes peuvent en fait converger vers une accélération exponentielle pour l’adoption des technologies dans le domaine des soins de santé. J’ai pu exposer le travail mené au sein de la Chaire IA et médecine digitale à l'Université de Mons (financée par RMN), et j’ai invité trois représentants d'écosystèmes innovants pour la santé : Christophe Jauquet (Coalition Next Belgium), Caroline Humblet (Pole Mecatech) et Bart Collet (Health Innovation School). 

Coalition Next est une initiative qui rassemble des institutions de soins et des industries pharmaceutiques pour faciliter l'adoption de solutions technologiques en matière de santé. Le secteur pharmaceutique se positionne ainsi comme un partenaire clé pour mener des projets pilotes testant des solutions digitales innovantes. C’est une tendance nouvelle, puisqu’auparavant le pharma était plutôt vu comme un « ami-ennemi » selon le contexte par les partenaires de soins. La technologie montre comment le pharma, comme d’autres secteurs, veut innover dans le bon sens. 

De son côté, Cosi est un écosystème développé par Pole Mecatech en collaboration avec les hôpitaux pour les accompagner dans leur processus d'innovation. Cet écosystème vise à soutenir les établissements de santé dans le développement et la mise en œuvre de nouvelles technologies. La particularité de Cosi est son accompagnement très rapproché des hôpitaux suivis : on le sait, en milieu hospitalier, on a besoin de temps et de ressources pour aboutir à des projets concrets. 

J’ai pu également présenter OHDSI, un écosystème international qui s'installe en Belgique pour encourager la structuration des données de santé, grâce au travail d’experts comme le Dr. Liesbet Peeters et le Dr. Annelies Verbiest. Ce réseau favorise la collaboration et l'échange d'informations entre les différents acteurs du secteur, contribuant ainsi à l'amélioration de la prise en charge des patients.

DigitalWallonia4.ai, de son côté, a mis en place une série de dispositifs pour aider les hôpitaux à financer leurs projets innovants en IA. Ce programme vise à promouvoir l'utilisation de l'intelligence artificielle dans le secteur de la santé, en soutenant les initiatives qui contribuent à améliorer les soins aux patients.

Enfin, la Health Innovation School fait son apparition en Belgique, offrant aux participants l'opportunité d'apprendre comment innover de manière intelligente dans le secteur des soins. Cette école aide les professionnels du secteur à développer de nouvelles compétences et à mieux comprendre les enjeux et les défis liés à l'innovation en santé.

En somme, collaboration entre hôpitaux, pharma, tech, secteur publique et financier, il y a de quoi avancer dans la bonne direction. Les écosystèmes convergent, et il sera intéressant d’observer les choses concrètes qui ressortiront de cet alignement de planètes. 

Adopter l’IA en médecine générale : motiver les médecins généralistes

Le deuxième événement s’est concentré sur la présentation du baromètre de l'adoption de l'IA en médecine générale en Belgique. Fruit d'une enquête menée par la Chaire IA et Médecine digitale en partenariat avec AI4Health et le journal Medi-Sphere, ce baromètre offre un aperçu global de l'adoption de l'IA en médecine générale en Belgique. Globalement, ce baromètre illustre que l’IA est aussi un phénomène à haut potentiel en médecine générale, mais qu’il est plus difficile que prévu d’impliquer les praticiens.  Il est important de noter que les résultats complets de cette enquête seront présentés dans la prochaine édition de Numerikare et de Medi-Sphere.  Ainsi, les professionnels de la santé et les parties intéressées pourront disposer d'une vision détaillée et complète des avancées et des enjeux de l'IA dans la pratique médicale en Belgique.

L’AI Act : un sentiment de trop peu pour la santé

Le troisième événement a abordé l'AI Act, un règlement proposé par l'Union européenne pour réguler l'utilisation de l'IA dans divers domaines, y compris la santé. Sofia Palmieri, doctorante à l’Université de Gand a détaillé les implications de cette loi sur l'IA, qui est basée sur les droits fondamentaux et vise à les protéger. Cela implique de garantir leur protection tout en respectant l'exigence de sécurité prescrite par la loi sur l'IA pendant tout le cycle de vie des systèmes d'IA.

La loi sur l'IA établit une classification des risques et fournit un ensemble d'exigences que chaque classe de risque doit respecter pour que l'IA soit légitimement proposée sur le marché de l'UE et considérée comme sûre. Cependant, certains systèmes d'IA à risque minimal peuvent encore présenter des risques pour les droits fondamentaux et la sécurité des utilisateurs, malgré leur classification, et nécessitent donc une attention particulière.

Dans cette présentation on a exploré l'hypothèse selon laquelle, bien que la loi sur l'IA puisse trouver une large couverture, l'importance de cette applicabilité est limitée. 

Globalement, on dénote l’urgence d’agir et vite pour réguler l’IA d’une façon appropriée à la santé (et si possible en protégeant un maximum les citoyens tout en favorisant l’innovation). 

Qu’est-ce qui nous attend ? 

Depuis l’arrivée des modèles larges de langage (comme ChatGPT), l’IA est plus « accessible » pour les citoyens. Le plan national de convergence pour l’IA, mené par le Secrétaire d’État Mathieu Michel, est clairement un plan ambitieux qui annonce de bonnes bases pour l’adoption de l’IA en Belgique.

Dans le domaine de la santé, nous devons désormais franchir le pas de:

1 - la validation clinique des outils d’IA disponibles sur le marché,

2 - définir un périmètre légal plus performant,

3 - renforcer les collaborations entre les acteurs de la santé et ceux de l’innovation.

En surmontant ces défis, la Belgique sera en mesure de tirer pleinement parti des avancées de l'IA pour améliorer la qualité des soins de santé et l'efficacité des systèmes de santé. Cela permettra de créer un environnement propice à l'innovation, tout en assurant la protection des droits des patients et la sécurité des utilisateurs. La collaboration et la détermination des différents acteurs seront essentielles pour concrétiser les opportunités offertes par l'IA dans le secteur de la santé en Belgique.

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.