Géants technologiques: de fournisseurs à partenaires du processus de soins

De nouveaux accords entre institutions de soins et géants technologiques afin de mettre en application certaines procédures de medecine augmentée (par exemple, le data analytics dans les dossiers patients informatisés) sont en train de redéfinir le rôle de l’industrie au sein de la structure hospitalière. 

Google, peux tu gérer mes dossiers?  
Le NHS est particulièrement connu pour avoir adopté plusieurs partenaires technologiques, concernant l’exploitation des données provenant des dossiers patients informatisés (notons à titre l’exemple le transfert de 40 millions de dossiers vers les Amazon Web Services en fin 2018). Récemment, 5 hôpitaux dû réseaux ont signé un accord de partenariat pour un transfert de données (plus précisément, 1,6 millions de dossiers) de DeepMind (filiale de Google) à Google. 

L’accord est très controversé pour 2 raisons principales rapportées par les différents médias : premièrement, les patients dont les informations sensibles ont été partagées n’ont pas fourni leur accord de partage initial vers DeepMind; deuxièmement, Google a récemment démantelé le réseau d’académiques indépendants chargés de superviser les questions éthiques de la gestion de données. 

À l’origine, le partenariat avait comme but le développement d’une application, Streams, qui utilise l’intelligence artificielle pour détecter l’insuffisance rénale chez les patients. 

Et les patients dans tout ça? 
Phil Booth, coordinateur de la campagne MedConfidential, a déclaré que le régime de régulation britannique a été lent dans le processus de supervision du partage de données, et que les patients demandent plus de clarté sur la méthodologie d’exploitation de leurs données. 

Tout en prenant compte les demandes légitimes des patients demandant une plus grande transparence de la part des instances de soins concernant l’utilisation de leurs données médicales, cet accord relève d’une autre question de taille dans notre société connectée, qui est celle de l’identification du rôle des géants technologiques par rapport aux institutions de soins. 

De fournisseur à partenaire 
Tous les gros géants technologiques ont compris le défi de la santé digitale, à tel point qu’un écosystème santé est présent dans la plupart d’entre eux: par exemple, la plateforme Apple Health faisant de la médecine personnalisée sur smartphone, ou encore Google Health et son développement de medecine algorithmique. En Europe, la plupart des hôpitaux se posent en «client» de différents fournisseurs technologiques; à titre d’exemple, la plupart des hôpitaux achètent des licences Microsoft Windows pour exploiter les systèmes informatiques, et des licences Microsoft Office pour la productivité digitale. 

Néanmoins, la digitalisation de plus en plus accentuée du processus de soins dans un soucis de traçabilité obligatoire et nécessaire fait que l’utilisation de certains logiciels est devenue incontournable dans le contexte de soins ; le logiciel informatique est donc partie intégrante du processus de production qu’est le soins donné. 

Dans cette optique, de grands hôpitaux universitaires (par exemple celui de l’Université de Stanford) se présentent aux côtés d’un géant technologique (par exemple Apple) qui n’est plus simple fournisseur mais un partenaire de certains processus de soins (par exemple, le Apple Heart Study). Cette nouvelle idée de partenariat technologique de soins a pris des dimensions tout à fait supérieures lors de l’accord entre le gouvernement singapourien et Fitbit en fin d’été 2019. 

Une future paralysie technologique de nos hôpitaux ?
Le coût de la digitalisation de la santé devient exagéré pour nos hôpitaux, qui même groupés en réseaux, restent des structures globalement petites comparés aux institutions outre-Atlantique. Néanmoins, nos dirigeants hospitaliers essayent avec les moyens mis à leur disposition d’offrir une médecine de qualité, accessible à tous, et hautement technologique. 

Certaines solutions technologiques, comme des logiciels de dossier patient informatisé peuvent coûter parfois plusieurs millions d’euros: un coût à multiplier des dizaines de fois pour la quantité d’applications différentes utilisées dans différents domaines et spécialités. En prenant de la hauteur, plusieurs fournisseurs technologiques se battent pour gagner la confiance d’hôpitaux, qui terminent avec des écosystèmes informatiques de plus en plus complexes et diversifiés dont l’intégration pratique (au delà des réseaux santé régionaux) devient difficilement réalisable. 

Malgré cela, certains géants technologiques voient encore un intérêt à se greffer sur un système existant (l’écosystème hospitalier tel que nous le connaissons aujourd’hui) pour l’améliorer via des partenariats (tels que cités ci-dessus). D’autres acteurs économiques, par exemple les grands magasins américains Walmart, commencent déjà à ouvrir leur propres cliniques selon leurs standards of Care. 

La question du danger de la réelle disruption est la suivante : et si les géants technologiques (sans qui les soins digitalisés seraient difficilement réalisables faute d’alternative en termes de logiciels open source) venaient à s’affirmer indépendants du système hospitalier tel que nous le connaissons? Et si, disons, Google ou Apple ou autre, venaient à lancer leurs propres hopitaux, automatiquement équipés des meilleures alternatives technologiques, en plus de leur expériences marketing et sales qui viendraient enrichir l’expérience patient? 

Il faut encore une fois protéger nos structures hospitalières, où le niveau de qualité reste très élevé avec une attention première au patient (nos hôpitaux restent des structures sans but lucratif), mais réalisons enfin que le temps du luxe de pouvoir choisir avec qui travailler dans l’intérêt du patient est peut être limité. 

Hôpitaux, choisissez vos partenaires technologiques selon vos standards, maintenant que vous pouvez!

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.