La téléconsultation va t-elle s’installer durablement ? 

Nécessité faisant loi, une nouvelle façon de pratiquer a fait son trou pendant la crise du covid dans les cabinets, à laquelle tout le monde n’était pas préparé ou enclin : la téléconsultation. Portée par les codes spéciaux pour triage covid ou continuité et le remboursement associé, elle a rythmé le quotidien des MG durant le confinement. Est-elle promise, en mode téléphonique ou vidéo, à s’installer durablement ? 

On dirait que oui… Mais pas avant d’avoir fixé un cadre concerté, hors de l’effervescence d’une pandémie à endiguer mais sans trainailler. Explorer les possibles en télémédecine - dont la téléconsultation n’est qu’une des formes - figurait de toute façon noir sur blanc dans l’accord 2020, avec e.a. des projets pilotes de télé-expertise envisagés en dermatologie et en ophtalmologie et de la concertation oncologique multidisciplinaire par téléconférence pour les MG. 

Un rapport de la KCE sur la téléconsultation

L’Inami nous le confirme : cela fait un certain temps qu’il étudiait « la possibilité de rembourser définitivement les consultations à distance ». Depuis mi-mars, il s’est appuyé sur des « principes de base » pour affranchir de contact physique certains actes (para)médicaux. Sans exhaustivité : consentement du patient, sécurisation de la communication, durée réaliste d’une prestation, prix fixe, limitation du nombre de séances par prestataire en gage de qualité … L’Institut va désormais tirer les leçons de l’introduction temporaire de ces télé-actes et s’abreuver d’études à venir : un rapport du KCE sur les consultations vidéo pour patients chroniques (avec benchmarking hors frontières) et le verdict d’une enquête à grande échelle que lui-même prépare, avec les mutuelles, auprès des citoyens qui ont tâté de la téléconsultation. C’est annoncé, « dans les prochains mois », il y aura discussion d’un cadre définitif « avec tous les partenaires ». Outre aux principes cités ci-dessus, il faudra veiller à différentes accessibilités effectives : celle des patients à l’équipement nécessaire, par exemple, ou celle des prestataires à des dossiers électroniques partagés.

Les syndicats médicaux sont demandeurs

La réflexion va donc reprendre au Conseil technique médical et dans le GT télémédecine. Les syndicats médicaux sont demandeurs, en nuances. « L’idée n’est pas de substituer des pratiques à distance aux consultations présentielles, mais de voir en quoi la téléconsultation peut constituer un outil complémentaire dans notre arsenal », commente Paul De Munck (GBO). 

L’ABSyM, explique Jacques De Toeuf, planche sur le sujet depuis 2 ans et a défini des balises de sécurité et qualité. Par exemple ? « Pas de téléconsultation avec des patients qu’on ne connait pas. On doit respecter un ‘cérémonial’ qui rappelle une consultation normale, avec une heure de début et de fin. Il doit y avoir un interrogatoire fouillé, complet, correspondant aux plaintes, et qu’on consigne au dossier. Ajouter la vidéo à la conversation téléphonique permettra d’avancer vers un diagnostic, mais au médecin de décider de la suite au cas par cas - y compris convoquer sans délai une ‘vraie’ consultation. » 

A quelles conditions ?

Pour lui, tous les appels ne peuvent devenir des téléconsultations. Ainsi la méthode ne se prête-t-elle pas à la prise en charge en urgence, rappelle-t-il, et « n’est pas non plus un moyen de court-circuiter les listes d’attente. Question honoraires, nous plaidons pour des tarifs de 2-3 € inférieurs à ceux d’une consultation classique dans la discipline. Reste le hic du ticket modérateur (TM). Une piste serait de facturer en tiers payant et recevoir 100% du montant, et que les mutuelles récupèrent le TM auprès de leurs affiliés. Mais rien ne les oblige à consentir ces manipulations... » 

Les codes 101990 et 101135.en sursis

En France, la Caisse nationale d’assurance maladie parle de 2.000 médecins disponibles pour la téléconsultation en septembre 2019, et… 50.000 actuellement. Spectaculaire ! Bien sûr, la téléconsultation était entrée dans la nomenclature française avant que le coronavirus ne s’invite. Impossible, donc, de faire des parallèles quand chez nous, elle a été « provoquée » par celui-ci et est en sursis : un jour, un arrêté sonnera le glas de la ‘période corona’ et, partant, des codes 101990 et 101135.

Les chiffres en Belgique

A ce propos, d’après une note adressée au Conseil général de l’Inami et que Medi-Sphère a pu consulter, entre la mi-mars et le 26 avril, le ‘triage téléphonique covid-19’ (101990) a été attesté 460.000 fois par les MG belges, surtout en début de crise. Les ‘avis téléphoniques continuité des soins’ (101135), qui englobent d’autres motifs de consultation que le covid, ont démarré avec un temps de retard mais se révèlent plus nombreux. On peut les estimer à +/- 600.000 entre le 23 mars et le 3 avril et, contrairement aux triages, ils ne se sont pas effondrés par la suite. 

Toujours chez nos voisins, l’Union des médecins libéraux d’Ile-de-France vient d’établir par sondage que 80% de ses membres (et même 86% des MG) ont eu recours à la téléconsultation durant le confinement (dont un tiers, juste par téléphone). Près de 70% sont désormais convaincus de son utilité dans certaines circonstances (contre 40% avant l’épidémie). 60% affirment qu’ils en feront un usage ciblé, dans leur pratique, à l’avenir. 

Lire aussi : Télémédecine: quels critères pour les plateformes de consultation à distance ?

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