Le gouvernement veut priver les patients d'un accès aux portails de santé numériques ( Filip Dewallens )

La numérisation des soins de santé offre de nombreux avantages à chaque patient. Si votre prescription électronique expire bientôt, le portail numérique de santé recommande spontanément d'aller chercher rapidement le médicament à la pharmacie. Pour être sûr que le médicament sera disponible, il est possible de le réserver immédiatement par l'intermédiaire du portail de santé habituel. Ces portails, développés par des entreprises privées, risquent de devenir beaucoup moins conviviaux. 

À partir du 1er juillet, le patient n'aura plus d'accès direct, via son portail de santé, aux prescriptions électroniques stockées numériquement dans la base de données gouvernementale Recip-e. Il ne pourra accéder à cette base de données que par l'intermédiaire d'un système informatique développé par le gouvernement. Les conséquences de ce plan inattendu, déraisonnable et très discutable sont inimaginables.

Cette intervention concerne chaque patient. Un million de Belges sont déjà connectés au portail de santé Helena. Les portails comme Helena permettent d'accéder facilement et commodément à toutes les données de santé les plus répandues et de les utiliser efficacement. Pensez aux nombreuses prescriptions de médicaments, lettres de renvoi et résultats d'examens. Pour obtenir un aperçu clair des données, le patient ne doit plus se débattre dans le labyrinthe de sites web et d'applications, tel que myhealth.be, Vaccinnet et Recip-e. Il peut tout consulter et utiliser de manière centralisée, dans un environnement strictement sécurisé via le portail de santé de son choix.

En ne permettant aux patients d’accéder à leurs prescriptions de médicaments que par l'intermédiaire d'une plateforme gouvernementale, l’autorité complique inutilement la capacité de tout patient à obtenir une vue d'ensemble de ses données de santé essentielles et à utiliser efficacement ses données en collaboration avec son équipe de soins.

C'est justement cette fragmentation, et toutes les difficultés qui en découlent, que la Commission européenne veut combattre avec sa proposition de règlement sur un Espace européen des données de santé.

Les développeurs des portails sont également victimes de la décision envisagée. Ils ont investi des sommes considérables pour déployer ces portails de santé de pointe dans notre pays. C'est ce que notre gouvernement souhaitait également: investir dans les soins de santé, au bénéfice du patient. Sans aucune justification fondée, l’autorité leur refuse maintenant l'accès à Recip-e.

Est-ce là la nouvelle image que le gouvernement veut présenter aux investisseurs dans notre secteur des données de santé? Un pays où les paris sur l'innovation n’en valent pas la peine et où des années d'investissement sont perdues d’un coup de crayon. Les entreprises et les associations de patients devraient craindre que ce plan ne crée un précédent. L’autorité fédérale menace de rendre les bases de données inaccessibles. De nombreuses fonctions des portails de santé existants risquent de disparaître. Au final, il ne restera plus qu'une plateforme gouvernementale monopolistique.

L’autorité se protège derrière le risque d'utilisation abusive des données de santé. Le secteur des développeurs de logiciels de soins de santé est très préoccupé aussi par cette question. Toutefois, cette préoccupation ne justifie pas l'idée disproportionnée de refuser soudainement aux entreprises de connaissances l'accès direct aux données relatives à la santé.

L’autorité ne tient pas compte des réglementations existantes. Des obligations strictes en matière de sécurité interdisent aux entreprises, à juste titre, de commercialiser purement et simplement les données relatives à la santé. Cette même autorité sait que l'industrie les respecte scrupuleusement. D'ailleurs, si ces réglementations strictes ne suffisent pas, rien n'empêche d'inclure des garanties supplémentaires. Cependant, il est irresponsable et peut-être juridiquement contestable pour l’autorité d'interdire tout simplement l'accès aux données de santé, via les portails de santé existants.

Selon les experts, il n'est pas du tout certain qu'une plateforme gouvernementale puisse être aussi performante, innovante et conviviale pour les patients que les portails de santé. Comment l’autorité pourrait-elle attirer les ingénieurs et les scientifiques nécessaires au déploiement de sa plateforme en mettant l’accent sur l'efficacité et le coût? Avec autant de succès que l'industrie? L’autorité est-elle prête à prendre ce risque de développement économique? Un risque, soit dit en passant, que les entrepreneurs ont déjà couru lorsqu'ils s'appuyaient sur une autorité favorable?

Cette Tribune a également été publiée dans l'Echo

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.