Des médecins moins performants après l’usage de l’IA en endoscopie, selon une étude européenne

Des chercheurs européens alertent sur un effet paradoxal de l’intelligence artificielle en médecine. Selon une étude publiée mercredi dans The Lancet Gastroenterology & Hepatology, des médecins ayant eu recours à l’IA pour les coloscopies ont vu leurs compétences diminuer en quelques mois lorsqu’ils devaient exercer sans assistance.

L’étude repose sur des données collectées dans quatre centres d’endoscopie en Pologne, dans le cadre du projet ACCEPT (Artificial Intelligence in Colonoscopy for Cancer Prevention), financé par la Commission européenne et la Japan Society for the Promotion of Science. Entre septembre 2021 et mars 2022, 2 177 coloscopies ont été réalisées, dont 1 443 sans assistance de l’IA, par 19 endoscopistes expérimentés.

Les chercheurs ont comparé les performances diagnostiques avant et après l’introduction des outils d’IA. Trois mois avant l’implémentation, le taux de détection d’adénomes (ADR) atteignait 28 %. Trois mois après, ce taux chutait à 22 % lors des examens réalisés sans assistance. L’ADR, indicateur clé de la qualité des coloscopies, mesure la proportion d’examens détectant au moins un adénome ou un adénocarcinome colorectal.

« Nous avons observé une perte de motivation, d’attention et de responsabilité cognitive chez les praticiens, une fois l’habitude de l’IA prise », explique Marcin Romańczyk, coauteur de l’étude et professeur assistant à l’Université de Silésie, dans MedPage Today. Il évoque un phénomène de type « effet Google Maps » : une perte de compétence liée à la dépendance à un système d’aide.

Le Pr Omer Ahmad, gastro-entérologue à l’University College Hospital de Londres, estime que l’exposition répétée à l’IA peut altérer les réflexes visuels de recherche de polypes et la confiance diagnostique des praticiens. « Cela pourrait atténuer la reconnaissance humaine des formes et réduire l’habileté à manipuler le coloscope », avertit-il dans Time.

« Le risque de déqualification lié à l’usage de l’IA avait déjà été évoqué de manière théorique. Cette étude est la première à fournir des données réelles suggérant que ce phénomène pourrait se produire », a commenté de son côté Catherine Menon, maître de conférences en informatique à l’Université du Hertfordshire, dans un échange avec le Science Media Center (SMC). Elle redoute que cette dépendance n’expose les médecins à des défaillances technologiques.

Plus prudent, le Pr Venet Osmani, spécialiste de l’IA clinique à Queen Mary University of London, nuance ces conclusions. Il rappelle que le volume total de coloscopies a augmenté durant l’étude, ce qui pourrait avoir induit une fatigue accrue des médecins, indépendamment de l’usage de l’IA.

Vous souhaitez commenter cet article ?

L'accès à la totalité des fonctionnalités est réservé aux professionnels de la santé.

Si vous êtes un professionnel de la santé vous devez vous connecter ou vous inscrire gratuitement sur notre site pour accéder à la totalité de notre contenu.
Si vous êtes journaliste ou si vous souhaitez nous informer écrivez-nous à redaction@rmnet.be.