Une étude européenne pointe les freins au déploiement de l’IA dans les soins de santé

Malgré son potentiel à alléger la charge administrative, améliorer le diagnostic ou optimiser les flux hospitaliers, l’intelligence artificielle (IA) reste peu déployée dans les hôpitaux européens, pointe un rapport de la Commission européenne. Plusieurs freins d’ordre technique, réglementaire, organisationnel ou culturel freinent son adoption. La Belgique n’échappe pas à cette dynamique.

L’intelligence artificielle (IA) promet de soulager des systèmes de santé européens sous tension, confrontés à une pénurie de personnel soignant, une population vieillissante et une augmentation des maladies chroniques. Pourtant, son intégration dans la pratique clinique reste marginale. C’est le constat posé par une vaste étude mandatée par la Commission européenne et publiée cet été, qui analyse les freins à l’adoption de l’IA dans les hôpitaux et propose une feuille de route pour faciliter son déploiement.

Des usages prometteurs mais encore rares

Selon le rapport, les outils d’IA déjà disponibles pourraient répondre à plusieurs besoins concrets : automatisation des tâches administratives, amélioration du triage aux urgences, aide au diagnostic radiologique, ou encore soutien à la planification des traitements en cancérologie. Quelques hôpitaux européens montrent la voie.

En Espagne, le Parc Taulí Hospital a mis en œuvre un système de triage intelligent qui réoriente les cas les moins complexes vers une unité dédiée, réduisant la congestion aux urgences. En Norvège, les hôpitaux Vestre Viken ont déjà analysé plus de 10 000 patients avec un outil d’IA depuis août 2023, économisant plus de 100 jours d’attente cumulée et évitant jusqu’à 15 consultations médicales par jour.

À Genève, les Hôpitaux universitaires (HUG) ont déployé une IA qui réorganise en temps réel la file d’attente des IRM cérébrales selon l’urgence, réduisant les délais pour les cas critiques. À Toulouse, le CHU utilise l’intelligence artificielle pour analyser les notes cliniques et identifier plus rapidement les patients éligibles à certains essais cliniques. À Barcelone, l’Hospital Clínic applique une IA prédictive pour détecter précocement les complications postopératoires, réduisant ainsi les réadmissions. En Suède, le Karolinska University Hospital optimise la planification des blocs opératoires grâce à un algorithme qui anticipe les besoins et diminue les annulations de dernière minute.

Des barrières multiples identifiées

Mais ces cas restent l’exception. L’étude identifie quatre catégories de freins majeurs :

  • Technologiques (manque d’interopérabilité, infrastructures IT obsolètes, bases de données hétérogènes) ;

  • Réglementaires (complexité des normes, incertitudes sur la responsabilité en cas d’erreur) ;

  • Organisationnels (faible implication des soignants, absence de stratégie IA claire dans les établissements) ;

  • Culturels (manque de confiance, crainte d’une déshumanisation des soins, inquiétudes pour l’emploi).

L’intégration des solutions IA dépend fortement du contexte local. « L’ajout de valeur doit être démontré sur le terrain », souligne le rapport, qui insiste sur l’évaluation en conditions réelles et le suivi post-déploiement.

Une feuille de route pour l’Europe

La Commission propose plusieurs leviers d’action : création de centres d’excellence en IA santé, financement coordonné, standardisation des données de santé, développement d’un catalogue européen d’outils certifiés, et amélioration de la littératie numérique chez les professionnels et les patients.

Un cadre de suivi est également proposé, avec des indicateurs concrets pour mesurer les progrès.

La Belgique dans le peloton des suiveurs

La Belgique figure parmi les États membres où les déploiements restent modestes. Seule une poignée d’hôpitaux belges ont intégré des outils d’IA dans leur pratique courante. Un seul représentant belge figure parmi les 26 experts interrogés dans le cadre de l’étude. Le pays souffre notamment d’un morcellement des systèmes hospitaliers, d’un manque de financement structurel pour l’innovation numérique, et d’un accès encore limité aux bases de données interopérables.

Des projets pilotes existent cependant, notamment dans le diagnostic radiologique ou la priorisation des tâches administratives via l’analyse automatique du langage médical. Le potentiel est là, mais sa concrétisation demande un cadre clair, des moyens durables et une adhésion forte du personnel soignant.

> Découvrir l'intégralité du rapport « Deployment of AI in healthcare – Final Report »

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