À l’approche de l’entrée en vigueur de l’e-facturation obligatoire ce 1er septembre 2025, le Dr Stan Politis (ABSyM) met en garde contre une atteinte à la vie privée des patients. Il redoute que les codes de transparence donneront aux mutualités accès à des données médicales sensibles, mettant en danger la confidentialité des soins et le secret médical.
À partir du 1er septembre 2025, l’e-facturation deviendra obligatoire pour tous les médecins en Belgique. Cette digitalisation ne se limite pas aux seules prestations remboursées, mais s’étend à tous les actes médicaux, y compris ceux qui ne relèvent d’aucune intervention de l’INAMI. Ce qui était présenté comme une mesure de transparence se transforme, dans la pratique, en un mécanisme de contrôle qui touche au cœur de la relation médecin-patient, avertit le Dr Stan Politis (ABSyM).
« L’e-facturation obligatoire donne aux mutualités un flux extrêmement détaillé d’informations sur tous les patients et tous les prestataires de soins », explique le professeur Stan Politis, membre du comité directeur de l’ABSyM. Il s’oppose à certains aspects de cette nouvelle réglementation, qui met en cause tant la vie privée des patients que le secret professionnel des médecins.
Au centre de cette réforme se trouvent les “codes de transparence”, que les médecins exerçant en ambulatoire devront compléter en même temps que l’e-facturation. Les praticiens sont contraints d’indiquer, pour chaque prestation, non seulement le montant, mais aussi s’il s’agit d’un supplément ou d’un acte non remboursable. Dans ce dernier cas, ils doivent fournir une description du contenu de l’acte, y compris les matériaux et procédures utilisés.
Selon le Dr Politis, cela pose un problème juridique et éthique. « Un employé de mutualité pourra consulter les détails médicaux d’actes qui ne donnent lieu à aucune intervention, sans que le patient en soit informé », souligne-t-il. « Cela peut concerner des nymphoplasties esthétiques, des suppressions de tatouages ou encore des traitements de fertilité non remboursés. »
Pas de remboursement, mais un droit de regard
La base légale invoquée par l’INAMI et les mutualités est la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités . Mais selon l’ABSyM, cette loi est aujourd’hui interprétée d’une manière qui dépasse son intention initiale. « Les codes de transparence servent désormais à légitimer une forme élargie de contrôle sur les médecins, sans base juridique réelle. Il n’y a pas de remboursement, mais il y a un accès intégral, aux montants comme au contenu. Cela n’est pas correct », affirme Stan Politis.
Pourtant, les médecins avaient accepté ces codes de transparence dans le cadre de l’accord médico-mutualités 2024–2025. Leur approbation reposait sur deux objectifs clairs : d’abord, rendre enfin compréhensible pour les patients la distinction entre un supplément et un acte totalement hors remboursement ; ensuite, rendre visibles les prestations non couvertes par les honoraires afin de justifier une revalorisation.
« Mais ce deuxième objectif est resté lettre morte », constate le Dr Politis. « La transparence demandée pour le patient n’est pas utilisée pour réviser le financement des actes déficitaires, mais pour surveiller les médecins individuellement. »
Croisement avec d’autres bases de données
Le projet de la nouvelle loi-cadre (Article X+59) va encore plus loin. Il permettrait aux mutualités de croiser les données médicales avec d’autres bases, officiellement pour une “étude temporaire et ponctuelle”. Mais selon Stan Politis, cela risque de devenir une compétence permanente, avec de lourdes conséquences pour la confidentialité des données de santé.
« Les mutualités pourront aussi examiner le contenu médical des prestations non remboursées. Elles évoluent ainsi de leur rôle de caisses d’assurance vers celui d’organes de contrôle, y compris en dehors de leur mandat. » Pour l’ABSyM, une question s’impose : les mutualités veulent-elles systématiquement contrôler les médecins, ou utiliser ces informations pour ouvrir le débat sur le sous-financement de certains soins ?
Poussée vers l’hôpital
Cette logique de surveillance entraîne aussi un effet pervers : les médecins transfèrent les soins déficitaires vers l’hôpital. Cela génère des coûts supplémentaires, une surcharge de personnel et d’infrastructures. « C’est inefficace, plus cher, et cela encombre les hôpitaux avec des actes qui n’y ont pas leur place », dénonce le Dr Politis.
Pour lui, la ligne rouge est claire : la transparence à l’égard du patient est indispensable. Mais dès que les données médicales basculent vers des services administratifs, l’équilibre se rompt. « Demain, un employé de mutualité consultera les détails médicaux d’un acte. Pour nous, c’est inacceptable », tranche-t-il.
« La vraie question est de savoir comment les patients se sentiront en découvrant que des éléments de leur dossier médical apparaissent, à leur insu, sur l’écran d’un employé de mutualité, y compris pour des soins non remboursés. »